hicham-berhil
Tante Kanza, la chouafa.
Le 23/11/2013
(Page 62)
Les pleurs de Lalla Zoubida.
Le 23/11/2013
(Page 166)
Un après midi avec Sidi Mohammed au Msid...
Le 23/11/2013
Une mèche de cheveux ornait le côté droit de ma tête. Elle tournoyait aux quatre vents pendant que j’apprenais frénétiquement ma leçon. Mes doigts me faisaient mal à force de cogner sur ma planchette de bois. Chaque élève se livrait à ce jeu avec passion. Le maître somnolait, sa longue baguette à la main. Le bruit, les coups répétés sur les planchettes m’enivraient. J’avais chaud aux joues. Mes tempes bourdonnaient. Une tache de soleil d’un jaune anémique traînait encore sur le mur d’en face. Le maître se réveilla, distribua au hasard quelques coups de baguette et se rendormit.
La tache de soleil diminuait.
Les cris des enfants s’étaient transformés en torrent, en cataracte, en bruit de rafale.
La tache de soleil disparut.
Le maître ouvrit les yeux, bâilla, distingua au milieu de toutes ces voix, celle qui déformait une phrase vénérée, rectifia le mot défectueux et chercha une position confortable pour reprendre son somme. Mais il remarqua que le soleil avait disparu. Il se frotta les yeux, son visage s’éclaira et la baguette nous fit signe de nous rapprocher. Le bruit cessa brusquement. Installés tout contre l’estrade du Fqih, nous chantâmes la première sourate du Coran. Les plus petits comme les plus grands la connaissaient. Nous ne quittions jamais l’école le soir sans la chanter. Le vendredi nous la faisions suivre de quelques vers de Bnou Achir consacrés au rituel des ablutions et d’une ou deux prières pour implorer la miséricorde de Dieu en faveur de nos parents et de nos maîtres morts et vivants. »
(Pages 40-41)
A Sidi Ali Boughaleb, patron des médecins et des barbiers.
Le 27/11/2013
Sur le conseil de Lalla Aïcha, Lalla Zoubida, la mère de Sidi Mohammed décide d’emmener son fils malade afin de lui faire boire l’eau du sanctuaire.
Le personnage narrateur profite de ce pèlerinage pour décrire le mausolée avec beaucoup de précision.
Voici ce qu’il dit :
« Nous arrivâmes enfin au cimetière qui s’étend aux abords de Sidi Ali Boughaleb. J’esquissai un timide pas d’allégresse.
Les tombes couvertes de soucis rougeoyaient au soleil. Ça et là des marchands trônaient derrière leurs pyramides d’oranges. On entendait les coups de tambourin d’un chanteur populaire et la clochette du marchand d’eau. Sur la petite place, des campagnards vendaient du bois pour la lessive, des braseros de terre cuite, des plats pour cuire les galettes. Les éventaires des marchands de sucreries attiraient mon regard. On y voyait exposés des coqs et des poussins en sucre jaune ornementé de filets roses, des théières transparentes, de minuscules babouches et des soufflets. Ces objets magnifiques me rappelaient ma Boîte à Merveilles. Mon père m’en avait offert quelquefois, mais avant d’arriver à la maison, ils s’émiettaient ou devenaient simplement gris et poussiéreux, indignes de figurer parmi mes trésors. Ils étaient beaux, là, au soleil, dans le bourdonnement de la foule.
Le toit de tuiles vertes qui couvre le mausolée se dressait dans un tendre azur où batifolaient des nuages blancs et roses aux formes capricieuses. Sur les marches de l’entrée principale, des femmes, assises à même le sol, devisaient entre elles, mâchaient sous leur voile de la gomme parfumée, interpellaient leurs enfants qui jouaient dans la poussière. Elles se serrèrent pour nous laisser un étroit passage.
Nous nous trouvâmes bientôt dans une cour qui me parut immense. Au centre trônaient quatre vaisseaux en terre cuite remplis d’eau. Ma mère trouva un gobelet et me fit boire. Elle se versa un peu de liquide dans le creux de la main, me passa les doigts sur le visage, les yeux, les jointures des mains et sur les chevilles. Tout en procédant à ce rituel, elle marmonnait de vagues prières, des invocations, me recommandait de rester tranquille, rappelait à Lalla Aïcha telle ou telle péripétie de notre promenade. Je subissais tout cela avec une patience coutumière. Je me tortillais le cou pour regarder une armée de chats qui se livraient à une folle sarabande à l’intérieur de ce temple étrange. Au-delà de cette cour s’ouvrait la Zaouia. De chaque côté d’une pièce carrée où se dressait le catafalque du Saint, deux portes conduisaient aux chambres des pèlerins. Des gens venus de loin, pour se débarrasser de leurs maux, vivaient là avec leurs enfants, attendant leur guérison.
En arrivant, devant le catafalque, Lalla Aïcha et ma mère se mirent à appeler à grands cris le sait à leur secours. L’une ignorant les paroles de l’autre, chacune lui exposait ses petites misères, frappait du plat de la main le bois du catafalque, gémissait, suppliait, vitupérait contre ses ennemis. Les voix montaient, les mains frappaient le bois du catafalque avec plus d’énergie et de passion. Un délire sacré s’était emparé des deux femmes. Elles énuméraient tous les maux, exposaient leurs faiblesses, demandaient protection, réclamaient vengeance, avouaient leurs impuretés, proclamaient la miséricorde de Dieu et la puissance de Sidi Ali Boughaleb, en appelaient à sa pitié. Epuisées par leur faveur, elles s’arrêtèrent enfin. La gardienne du mausolée vint les complimenter sur leur piété et joindre ses prières aux leurs. »
(Pages 25-26-27)