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«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra vous secourir? Que les croyants mettent donc leur confiance en leur Seigneur!» (Al-i'Imran – 160)

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...et les hommes dans tout cela?

Le 19/11/2009

 

            l' « histoire passionnante de Moulay Larbi»(p.230), le «meilleur babouchier de toute la ville».(p.113):

 

 

                 Lorsque nous lisons l’œuvre de Sefrioui, nous ne pouvons qu’être surpris du grand nombre de références à Moulay Larbi et à « son affaire ». Notre babouchier est, à mon avis, le personnage le plus pathétique de l’œuvre ; son histoire, à elle seule, est un roman dans le roman.

      Cette ingénieuse composition en abyme (récit dans le récit) permet au narrateur de se dédouaner du risque de l'ennui d'un récit "monotone".

      J’ai voulu montrer à travers cinq «séquences », (chaque couleur renvoie à une séquence), les grands moments de son histoire.

 

     Chaque moment est relaté par un personnage (Lalla Zoubida, une voisine de Lalla Aicha, Si Abderrahman, Zhor, Salama, Driss Aouad…). Une multitude de voix narratives qui remplacent Si Mohammed, le narrateur principal.

 

 

La ruine du babouchier

 

-Moulay Larbi, le mari de Lalla Aicha, s’est disputé avec son associé, un certain Abdelkader fils de je ne sais qui…

 

…Cet Abdelkader, ce fils de l’adultère, ce disciple de Satan ne possédait pas même une chemise propre quand Moulay Larbi le prit comme ouvrier dans son atelier à Mechatine. Il le traita avec bienveillance, lui prêta de l’argent, le reçut souvent à déjeuner ou à dîner. Abdelkader se montrait poli et même obséquieux. Il chantait les mérites de Moulay Larbi, louait sa générosité, son bon caractère et la noblesse de ses sentiments. Tous les deux travaillaient beaucoup. Les babouches brodées jouissent auprès des femmes de Fès d’un grand succès. La production de Moulay Larbi et de son ouvrier avait bonne réputation. Abdelkader songea à se marier. Moulay Larbi l’encouragea dans cette voie et Lalla Aicha lui trouva une jeune fille digne d’éloges. Les mariages coûtent toujours très chers. Malgré ses nuits de veille, Abdelkader n’avait pas su économiser. Il se trouva assez gêné lorsqu’il fallut verser une dot à sa fiancée. Il eut recours à son patron. Moulay Larbi réussit à rassembler quatre-vingts rials. Il les lui versa sans méfiance. Il commit la faute de lui avancer cet argent sans établir de papier de reconnaissance de dette. Pour permettre à Abdelkader de gagner davantage, il l’associa à son affaire.

 

 

-Sais-tu comment ce fils du péché l’a remercié de ses bienfaits ?(…) Non ! Tu ne pourras jamais le deviner ! Les gens qui n’ont pas de pudeur, les va-nu-pieds de mauvaise foi, ceux-là qui offensent Dieu et son Envoyé par leurs agissements malhonnêtes auront à rendre compte de leurs mauvaises actions le jour de la Balance. Abdelkader a nié, il n’a pas simplement nié, il a même prétendu avoir versé la moitié du captital de l’affaire de Moulay Larbi pour l’achat du matériel, des cuirs et du fil d’or. Le Pacha ne pouvait pas connaître tous les détails de cette histoire. Il n’a accepté aucune des versions des deux adversaires. Un garde du pacha a été chargé de mener l’enquête, mais il s’est contenté de discuter avec les plaideurs. Il leur a réclamé une somme fabuleuse pour le temps qu’il avait perdu, dit-il, à réconcilier. Ils se sont exécutés. L’affaire a été portée devant le prévôt des marchands. Il les a fait de nouveau accompagner par un de ses gardes qui leur a demandé de lui exposer les faits, mais ils ont refusé. «Seuls les experts de la Corporation peuvent comprendre l’objet du litige », disent-ils. Les experts ont été réunis. Ils ont discuté jusqu’au soir. Finalement, ils se sont prononcés en faveur d’Abdelkader (…)

 

 

-Enfin tout cela nous a bouleversées. Lalla Aicha a pleuré, le soir, elle souffrait de violents maux de tête.    (pp.68-70)

 

(…) Lalla Aicha, son amie, était venue la chercher, il y avait de cela une heure environ. Ma joie se transforma en appréhension, bientôt en inquiétude. Cette sortie avait certainement une relation quelconque avec l’affaire de Moulay Larbi, le mari de Lalla Aicha. Peut-être un nouveau différend l’opposait-il encore à ce démon d’Abdelkader, fils de je ne sais qui ? Ne l’avait-on pas enfermé dans une sombre prison ? Cela sentait le pacha, le prévôt et les sb

                                    *****************

 

 

Les sacrifes de lalla Aicha

 

(…)Fatma, la main droite sur la joue, la main gauche sur le cœur, répétait :

 

-Allah ! Allah ! Allah ! Dieu ! Dieu ! Dieu !

 

-Oui ! disait ma mère, oui ! Tout cela fend le cœur et ne peut laisser indifférente l’âme tendre d’un musulman. On ne peut pas souhaiter à son pire ennemi ce qui vient d’arriver à lalla Aicha, mais le Croyant doit remercier Dieu, même dans le malheur(…) (p.80)

 

 

  Ma mère disait :

 

-La pauvre femme a tout vendu. Même les rats n’ont plus rien à se mettre sous la dent.

 

-Et l’argent ? interrogea Rahma

 

Ma mère s’empressa de la renseigner.

 

-L’argent servira à acheter du matériel à Moulay Larbi et à assurer les premiers frais d’installation de son nouvel atelier.(…) Se sentant encouragée, ma mère expliquait :

 

-Lalla Aicha, chérifa d’une grande tente, ne peut pas laisser son mari déchoir aux yeux de la corporation des babouchiers et de patron devenir simple salarié. Le Croyant dans ce monde rencontre de nombreux obstacles, l’essentiel pour lui est de surmonter toutes les difficultés sans jamais se révolter contre son Créateur. Moulay Larbi, homme généreux, mérite qu’une femme aux sentiments nobles se dépouille de ses bijoux et de son mobilier afin qu’il ne perde pas face aux yeux de ses pairs. (p.82)

 

 

 

(…)J’écoutais, à travers ce bruit d’eau, ma mère raconter(…)les malheurs de lalla Aicha, la vente de ses bijoux et de son mobilier. Elle disait que Sidi Larbi Lalaoui allait installer un atelier et se remettre au travail. Elle louait la générosité et le courage de lalla Aicha, lançait des imprécations contre les hypocrites, les escrocs, les gens sans foi ni loi comme cet Abdelkader, fils de je ne sais qui. (p.92)

 

(…) Les deux femmes (Lalla Zoubida et une amie de Lalla Aicha) s’appuyèrent au mur de la mosquée et entamèrent une longue conversation sur l’affaire Moulay Larbi qui, grâce au dévouement de Lalla Aicha, s’était si heureusement terminée. Moulay Larbi méritai d’ailleurs un tel sacrifice. Dès que son atelier serait prospère, il ne manquerait pas de racheter à sa femme bijoux, meubles et couvertures. Il n’était pas homme à oublier les services rendus.

 

   Toutefois, avant de nous quitter, la voisine ajouta cette phrase perfide :

 

-Mais qui peut se fier aux hommes ? J’ai été mariée trois fois, chaque fois mon époux ne songeait qu’à me dépouiller du peu de bien que je possédais. Espérons que Lalla Aicha n’est pas tombée sur un ingrat et un odieux simulateur. (pp.106-107)

 

 

(…) Il (Si Abderrahman, le coiffeur) continua, s’adressant à mon père :

 

 

-J’espère, Maalem Abdeslem, que tu n’as rien de bien important à faire, j’en ai pour un moment à pratiquer cette saignée. J’en ai fait hier à l’un de tes amis, Moulay Larbi Alaoui, le babouchier. Cet homme me plaît. Toujours digne, sobre de paroles et de gestes. Ce qui m’étonne, c’est qu’il n’ait point d’enfants. Peut-être a-t-il une femme trop âgée ? Les gens de ta maison doivent connaître la femme de Moulay Larbi. On raconte que c’est une chérifa au cœur généreux. Grâce à son aide, Moulay Larbi a pu payer ses dettes et remonter son atelier. Je sais que ses affaires sont maintenant très prospères.

 

 

(…) Déjà Si Abderrahman reprenait son monologue :

 

 

-Ne crois-tu pas qu’il devrait songer à prendre une nouvelle épouse ? Le moment n’est peut-être pas encore venu, mais je suis sûr que les affaires de Moulay Larbi iront en s’améliorant. Il fabrique d’excellentes babouches de femmes, d’une richesse de matière, de décor et de couleur vraiment étonnantes. Ces articles jouissent toujours d’une grande faveur auprès de la clientèle féminine.  (pp.132-133)

 

(…) Tout en versant l’eau bouillante dans sa théière, elle (Lalla Zoubida) interrogea Lalla Aicha.

 

-Comment va ton homme ? Parle-moi de ses affaires. A-t-il de nouveau un associé ? Travaille-t-il tout seul ?

 

-Il n’a pas d’associé, mais il ne travaille pas seul. Il emploie trois ouvriers. Les babouches se vendent bien et je n’ai pas le droit de me plaindre. Il m’a promis de m’acheter, au début de l’hiver, un caftan de drap abricot, objet que je désirais depuis si longtemps. (p.148)

 

                                    ******************

 

La répudiation

 

(…)Après déjeuner, nous reçûmes la visite de lalla Aicha. Il y avait longtemps que nous n’avions pas eu de ses nouvelles ni de celles de son mari Sidi Larbi le babouchier. (…)Ma mère, enfin, regarda son amie.

 

 

-Mais toi ? Tu ne me dis rien sur ta maison. Comment vas-tu ? Comment va ton mari ?

 

 

 

   Lalla Aicha pour toute réponse, enfouit son visage dans ses mains et éclata en sanglots. Un torrent de larmes coula au travers de ses doigts. Son corps fut secoué de violents spasmes. La douleur l’étranglait par moments. Ma mère lui entoura les épaules de ses deux bras et se mis à sangloter avec elle. Lalla Aicha s’arrêta. Les joues encore luisantes de pleurs, le nez humide, elle dit à ma mère :

 

 

-Zoubida, je n’ai plus personne au monde, tu es mon amie, tu es ma seule famille. Le fils du péché pour qui je me suis dépouillée, m’a abandonnée pour prendre une seconde femme, la fille d’Abderrahman le coiffeur. (pp.170-172)

 

 

(…) Nous nous disposions à quitter la chambre quand Fatma Bziouya interpella ma mère :

 

-Lalla zoubida ! Où vas-tu ?

 

-Lalla Aicha nous a invitées à passer la journée avec elle, elle est si seule!

 

-Que devient son mari, Sidi Larbi ? N’a-t-il pas encore répudié la fille du coiffeur ?

 

 

-Non, mais je sais qu’il paie actuellement son ingratitude envers Lalla Aicha. Sa belle-famille lui rend les jours amers, l’accuse de laisser sa jeune femme souffrir de la faim. (p.194)

 

 

(…) J’ai de l’espoir, Zoubida ; avec l’aide de ce voyant (Si El Arafi), je suis sûre d’atteindre le but. Nous sommes de très faibles créatures, le bonheur est chose fragile. Mon nid a été saccagé, je n’aurai de repos que le jour où il deviendra ce qu’il était.

 

 

 

-Il est permis à l’esclave de faire ce qui est en son pouvoir pour remédier à sa misère, ensuite il doit s’en remettre à son seigneur pour l’accomplissement de ses desseins. Ayons confiance. (p.198)

 

 

                                          ******************

 

Le barbon et la folle

 

(…)-Et toi ! demanda-t-elle à Lalla Aicha, comment vont tes affaires ?

 

-Louange à Dieu ! Louange à Dieu ! Viens demain me voir, je te réserve une surprise.

 

-Se peut-il que ton mari soit revenu à la raison ?

 

-Il en prend le chemin et paie cher les souffrances qu’il m’a infligées. Mais viens demain matin, tu en sauras bien plus long. (…)  (p.221)

 

 

(…) Elle (Salama) ferma les yeux, les rouvrit et de sa voix d’homme déclara qu’après le thé, elle aurait tout le temps d’entretenir ses petites sœurs des événements qui se préparaient. Elle ajouta :

 

 

-Je peux vous affirmer que de grands événements se préparent.

 

    Un petit rire drôle, d’une folle gaîté, échappa à Lalla Aicha. Ce rire était si jeune, si frais, si printanier que Lalla Aicha rougit de confusion. Elle se leva en hâte, alla chercher du sucre et de la menthe. (p.226)

 

(…) Après un nouveau silence, Lalla Aicha et ma mère, dévorées de curiosité, demandèrent d’une seule voix :

 

-Raconte, Salama, ne nous fais pas languir. Raconte.

 

-Oui, je ferais bien de commencer. Aurez-vous la patience de m’écouter jusqu’au bout ?

 

-Raconte, Salama ! Raconte ! réclamèrent avec avidité les deux femmes.

 

-Je connais vos deux cœurs, ils sont nobles et ouverts à la compassion. Lalla Aicha, j’ai été très fautive envers toi, pourras-tu jamais me pardonner ?

 

    Lalla Aicha fit de la main un geste de protestation. Elle poussa un profond soupir. Ma mère, à son tour poussa un profond soupir. Avant de reprendre son récit, Salama soupira aussi. Je ne pouvais pas ne pas faire comme tout le monde, une plainte expira sur mes lèvres. Personne ne le remarqua. Salama parlait déjà.

 

-Dieu a voulu (et toute chose est voulue par Lui) que je fusse l’intermédiaire dans ce mariage qui nous a tous rendus malheureux. Toi, Lalla Aicha, parce que tu as perdu momentanément l’affection de ton époux, Lalla Zoubida a souffert parce qu’une longue amitié vous lie, Sidi Larbi s’est aperçu assez vite qu’il s’était inutilement compliqué l’existence, quant à la fille du coiffeur, de jeune fille elle sera bientôt femme divorcée. Elle aura toutes les difficultés à trouver un mari. Ainsi s’exprime la volonté de notre Créateur. Il nous a mis sur cette terre pour souffrir et pour adorer.

 

     Tout le monde soupira de nouveau et Salama poursuivit :

 

-Tout commença le jour où Kebira, la fille de mon vénéré maître Moulay Abdeslem, me chargea de lui acheter du henné. J’étais à peine arrivé au souk des épices que quelqu’un me toucha discrètement l’épaule. Je me retournai, Moulay Larbi se tenait devant moi, souriant et affable comme à l’ordinaire. Nous échangeâmes les salutations d’usage. Nous parlâmes longuement du mauvais temps qui avait sévi, si vous vous en souvenez bien, un mois durant. Je lui demandai de tes nouvelles, Lalla Aicha.

 

-Elle va bien, me dit-il. Il baissa ensuite les yeux et prit une attitude résignée.

 

-Qu’as-tu, Moulay Larbi ? Me cacherais-tu quelque chose de grave sur les gens de ta maison ?

 

-Non, répondit Moulay Larbi, je ne te cache rien, mais tu l’as deviné, je suis bien tourmenté. Si tu le voulais, tu pourrais m’aider à calmer mon âme.

 

     Comme vous le pensez, j’étais de plus en plus intriguée. Un âne chargé de sacs de sucre passa entre nous deux, nous sépara. Je me plaquai contre le mur et fis signe à Moulay Larbi de me rejoindre. Il échangea quelques insultes avec un passant qui l’avait bousculé et vint finalement tout près de moi pour m’entretenir de ce qui le préoccupait.

 

-Oui, me dit-il, tu pourras m’aider. Ma situation prospère de jour en jour. Je gagne largement de quoi faire vivre une famille et même plusieurs ménages. La grande douleur de ma vie, c’est de n’avoir pas d’enfant. Bien sûr, j’estime et je respecte Lalla Aicha, mon épouse actuelle ; cette estime et ce respect, je les crois partagés, mais je ne peux envisager avec sérénité l’avenir tant que je n’ai pas d’héritier.

 

     Je l’interrompis pour lui conseiller de voir un médecin.

 

-Ne m’interromps pas, Salama, me dit-il, je ne crois ni aux médecins, ni aux remèdes. Dans mon cas, il n’y a qu’un seul remède, et si tu voulais, tu pourrais m’aider à me le procurer.

 

     J’ouvris de grands yeux et fis celle qui ne comprenait pas.

 

-Le remède, poursuivit Moulay Larbi, consiste à me trouver une seconde épouse.

 

-Je ne peux faire cela, Moulay larbi, j’aime trop Lalla Aicha pour être à l’origine de son chagrin.

 

-Lalla Aicha n’aura pas de chagrin, elle souhaite me voir père d’un enfant. Pourtant, je te demanderais de tenir secrète notre conversation. Il ne serait pas convenable de la mettre au courant d’un événement dont les conséquences pourraient blesser son amour-propre.

 

 

 

    Avant que j’aie pu répondre à son argument, il me glissa entre les doigts une pièce d’argent toute neuve. Il s’en alla en me recommandant de bien réfléchir à cette affaire et de passer le voir à son atelier dans le courant de la semaine. Quelques jours plus tard, je passai près de l’atelier…  (pp.228-230)

 

 

(…) Lalla Aicha s’activait à préparer de nouveau du thé. Niché entre deux coussins, je tâchais de me faire oublier. Je me tenais les yeux baissés. J’entendis ma mère qui disait, s’adressant à Salama :

 

-Qu’avait-elle, cette viande ? Etait-elle réellement trop maigre ou bien pas assez fraîche ?

 

-Au dire de tous les gens du quartier, elle était d’excellente qualité. Seulement, la fille de Si Abderrahman cherchait un prétexte. Moulay Larbi a l’âge de son père. D’autre part, ses moyens ne lui permettent pas de satisfaire toutes ses fantaisies ; puis, je vous l’ai déjà dit, cette fille est folle. Depuis quand a-t-on vu la fille d’un coiffeur exiger de son mari l’achat d’une paire de bracelets d’or ? Réclamer de l’argent, en espèces, pour se payer des futilités ?

 

Organiser des thés pour ses soi-disant amies ? Jouer du tam-tam à tout propos ?

 

    Lalla Aicha risqua une question.

 

-Mais, ne travaillait-elle pas ? N’a-t-elle jamais appris un métier ?

 

-Elle brode des empeignes de babouches. Moulay Larbi lui confia un travail ou deux, mais son ouvrage traînait longtemps sur le métier, il était mal exécuté et elle en voulait toujours le double du prix pratiqué par les autres brodeuses. Moulay Larbi cessa de la faire travailler. Elle l’accusa alors d’avoir des relations incorrectes avec des femmes dans des quartiers éloignés. Sous prétexte sans doute de leur confier des empeignes, il en profitait pour avoir avec elles des conversations indignes d’un Croyant.

 

   « Nous savons que Moulay Larbi ne se livrerait jamais à de telles pratiques. Ce sont là les paroles mensongères d’une fille stupide et jalouse.

 

 

   « Tout ceci serait sans conséquence si sa mère ne se mêlait pas à chaque instant des affaires du ménage. Elle vient trois ou quatre fois par semaine renifler chaque objet, donner des conseils, manifester son mécontentement à propos de ceci ou de cela, inciter sa fille à se montrer plus exigeante, flatter son orgueil en lui répétant qu’elle est bien trop jolie pour un vieux barbon qui sent la sueur et le cuir et qui se montre incapable de gâter se jeune épouse comme elle le mérite.

 

   « Le pauvre Moulay Larbi subit naturellement les répercussions de ces mauvais conseils. Ah ! il est bien à plaindre, Moulay Larbi ! Il n’a rencontré dans ce mariage que tristesse et peine. Il vient rarement te voir, Lalla Aicha, parce qu’il a conscience d’avoir commis une faute grave à ton égard. Il n’a pas oublié ce que tu as fait pour lui. Ni sa mère, ni sa sœur ne lui auraient porté secours dans l’adversité comme toi tu l’as fait si généreusement. Mais les hommes sont des êtres faibles !

 

  «Depuis que sa situation s’était trouvée améliorée, il n’avait plus qu’un rêve, celui d’avoir une jeune épouse pour égayer sa vie de travail et de lutte(…)

 

  « Moulay Larbi est un homme, il lui faut donc une femme à sa mesure. Cette femme, c’est toi, Lalla Aicha. Son erreur a été de l’oublier momentanément. »

 

(…) Après les questions et les réponses habituelles relatives à la santé des unes et des autres, Zhor entra dans le vif du sujet. Elle voulait savoir si le divorce entre Moulay Larbi et la fille du coiffeur avait été prononcé. Comme toutes les femmes manifestaient leur ignorance par des mimiques diverses, Zhor sourit largement. Fière de devenir le point de mire de tous les regards, elle se lança dans un brillant monologue.

 

-Mère Salama ne doit pas ignorer ce qui se passe dans ce ménage, mais tout le monde connaît sa discrétion. Pourtant, tous les habitants du quartier El Adoua sont au courant des difficultés que rencontre quotidiennement Moulay Larbi auprès de sa jeune épouse. D’ailleurs cette fille est folle ou possédée. Pour un rien, elle menace son entourage de tout casser dans la maison, monte sur la terrasse dans l’intention de se jeter dans la rue par-dessus le mur. Je tiens mes renseignements de source sûre.

 

     Ainsi, mardi dernier, elle demanda à son mari de lui acheter pour le soir même, un foulard brodé à longues franges. Moulay Larbi revint deux heures plus tard avec un splendide foulard grenat à dessins multicolores. La fille du coiffeur le regarda à peine, le prit entre le pouce et l’index, le jeta dans la cour de la maison avec une grimace de dégoût.

 

-Pour qui me prends-tu ? dit-elle à son mari. Pour une fille de la campagne ? Comment as-tu osé m’offrir un foulard de couleurs aussi vulgaires ? Certes, tu ne dois pas l’avoir payé bien cher ! Sache que lorsqu’un vieux barbu comme toi prend comme épouse une fille qui pourrait être sa fille, il doit céder à tous ses caprices et ne lui offrir que ce qui coûte le plus cher. Je te fais don de ma jeunesse et de ma beauté, en échange, tu m’apportes un foulard tout juste assez joli pour coiffer une tête de négresse.

 

   Moulay Larbi, très en colère, se mit à l’insulter très violemment. La fille du coiffeur se saisit d’un verre, le cassa sur le rebord de la fenêtre et, avec le morceau aigu qui lui restait dans la main, elle tenta de se couper la gorge. Moulay Larbi se précipita pour arrêter son geste. Elle se mit à pousser des hurlements, à prendre à témoins les voisins, prétendant que son mari la battait, que sa situation devenait intolérable, qu’elle n’avait jamais assez à manger et qu’elle devait se contenter de vêtements rapiécés, tant l’avarice de son mari était grande.(…)

 

    Lorsque Moulay Larbi passe la nuit auprès d’elle, le matin, il part sans déjeuner, sans même boire un verre de thé. Souvent viande et légumes attendent jusqu’au soir que Lalla, fille du coiffeur se décide à les faire cuire. Moulay Larbi ne supportera pas longtemps une telle vie. Déjà, il lui arrive de dormir dans son atelier plutôt que de rejoindre sa jeune femme. Il a trop de pudeur pour parler de tout cela à Lalla Aicha qui le reçoit, comme il convient, très froidement depuis son mariage. (pp.232-237)

 

 

                                       ******************

 

Le retour parmi les gens normaux

 

 

 (…) Driss (le mari de Rahma) dit à mon père :

 

-Tu viens d’arriver et peut-être même les gens de ta maison ne le savent pas encore. Le divorce entre Moulay Larbi et la fille du coiffeur a été prononcé hier devant notaire.

 

 

-Louange à Dieu ! Moulay Larbi va pouvoir enfin retrouver la tranquillité de l’âme, la paix des hommes bénis. Je savais que la folie de Moulay Larbi serait passagère. N’est-ce pas folie de vouloir conduire plusieurs attelages à la fois ? Il est déjà si difficile de s’entendre avec une seule femme, de vivre en harmonie avec les enfants de sa chair. Moulay Larbi a goûté au fruit amer de l’expérience, le voici de nouveau parmi les hommes normaux. (p.248)

 

 

 

"C'était un délice"(p.146)

Le 26/11/2009

 

 

 

     C’est avec un très grand appétit allègre que je dévore la Boîte à merveilles de Sefrioui de bout en bout. Non pas pour la beauté de son intrigue mais surtout pour la gastronomie populaire qu’elle nous propose au fil des pages.

 

    En effet, les plats sont divers et succulents (du moins aux dires du narrateur !) et on boit à volonté le délicieux thé à la menthe ou à l’absinthe dans des plateaux décorés avec des « roses d’Ispahan » (p.67) même si la cuisine comme espace architectural n’occupe pas une place centrale dans les maisons de la Médina (Rahma se contente du palier (p.11), Lalla Zoubina à un simple réduit (p.34), Lalla Aicha utilise une pièce pour cuisiner (p.57) )…

 

 

    Pa ailleurs, tout revient, au fond, à une question de saveur, saveur de l’aliment, bien sûr, plus que du plat : la viande doit être «sans trop d’os », les fèves «vertes bien tendres » (p.35) ; la soupe appelée tadeffi « sans épices est absolument immangeable »(p.185), le pain se sert « frais et parfumé à l’anis »(p.81), l’omelette pour qu’elle soit sapide doit être assaisonnée de « piment rouge et d(e) persil »(p.192)… et cela avec toutes les images qui accompagnent la préparation des plats. Dans la pseudo-cuisine ou sur la terrasse, nous assistons au rituel populaire de la cuisson…

 

 

    Grâce au « sfenj »(p.34), aux « gâteaux de semoule fine » , à « sellou »(p.56), aux « galettes en pâte feuilletée de forme carrée »(p.126), aux «qarchalas »(p.181), à la « corne de gazelle »(p.226) cachée dans un mouchoir brodé…je re-plonge , l’eau à la bouche, dans l’univers de mon enfance (un peu comme dans A la recherche du temps perdu de Marcel Proust où il suffit d’une madeleine trempée dans le thé pour que le narrateur se souvienne lui aussi de sa petite enfance !).

 

    Comme un enfant de six ans, je me laisse donc, emporter par mes sens, je me retrouve inondé par de nombreuses sensations anciennes comme les odeurs du pain fraîchement sorti du four à bois et enduit de « beurre rance »(p.193), du tajine prêt à être mangé ou encore les œufs diversement cuits : œufs durs (11), œufs frits (34), œufs brouillés, ou sous forme d’omelette juive (192)…

 

   Le discours hypocoristique des maîtresses de maison rend cette cuisine à la fois douce et maternelle.Que d’amour, par exemple, dans cette « voix caressante » de Fatma Bziouya qui s’adresse à un Sidi Mohammed alité pour qu’il mange son « bol de tadeffi » :

 

               « bonbon acidulé, petit fromage, vermicelle au lait » (p.186)

 

    Les recettes, quant à elles sont nombreuses : le très populaire couscous aux légumes et « copieusement arrosé de bouillon »(p.51),  le poulet aux carottes, les« pieds de mouton aux pois chiches » (p.44) ou aux artichauts, (p.67), les lentilles (p.90), l’éternel ragoût (p.53), la « viande aux navets » (p.115) -que le narrateur déteste par-dessus tout !-et les délicieuses salades d’ «oranges à l’huile d’olive »(p.67)…

 

  

 

 

                Douceurs et condiments

 

 

-         les légumes : 35 – 37 – 51 – 53 – 66 – 84 – 90 – 112 – 115 – 131 – 176 –  187 – 195…

 

-         les fruits : orange (8-53)…, pastèque (43)…, citron (175)…, grenade (213)…, figues sèches (92-181)…, fruits secs (165)…

 

-         les gâteaux : beignets (35-92-183-185-187).., gâteaux (56-58-70-145-147)…, galette paysanne (247)…, qarchalas (181)…, corne de gazelle (226-232)…

 

-         sellou : 56…

 

-         les épices : 47-73-74-89-93-95-112-131-185-192…

 

-         le couscous : 37-51-53…

 

-         le thé : 23-43-53-58-59-119-126-146-148-149-177-188-197-223-226-248…absinthe (148)…, menthe (226-235)…

 

-         le lait : 90…

 

-         la viande : la viande rouge (35-37-51-53-81-84-115-117-176…), le poisson (49-119)…, poulet (66-70-246)…

 

-         le pain : 17-191-215…

 

-         la farine : 76-181-185-215…

 

-         le sucre : 177-226…

 

-         les œufs : 11-34-192-218-220-246…

 

-         le ragoût : 17-47…

 

-         le tadeffi : 17…

 

-         le beurre : 56-146-183-187-193-218-247…

 

-         le fromage : 193…

 

-         le miel : 70-146-183…

 

-         l’huile d’olive : 37-79-81-123-218-247…

 

-         les olives noires : 181-187-247…

 

-         La graisse (81)…

 

-         l’anis : 70-81-131-181…

 

-         la cannelle : 53…

 

-         les grains de sésame : 126-131…

 

-         la fleur d’oranger : 181…

 

-         la menthe sauvage : 184…

 

-         la mauve : 224…

 

-         le girofle : 131…

 

-         le safran : 176…

 

-         le persil : 192…

 

   

 

 

 

 

le jour de lessive

Le 12/09/2017

 
     " Quelquefois un incident de mince importance prenait des proportions de catastrophe. Ainsi en fut-il quand Rahma eut l’idée néfaste de faire sa lessive un lundi. Il était établi que ce jour-là appartenait exclusivement à ma mère. De bonne heure, elle occupait le patio, l’encombrait d’auges de bois, de bidons qui servaient de lessiveuses, de seaux pour le rinçage et de paquets de linge sale. A peine vêtue d’un séroual et d’un vieux caftan déchiré, elle s’affairait autour d’un feu improvisé, remuait le contenu du bidon à l’aide d’une longue canne, pestait contre le bois qui donnait plus de fumée que de chaleur, accusait les marchands de savon noir de l’avoir escroquée et appelait sur leurs têtes toutes sortes de malédictions. Le patio ne suffisait pas à son activité. Elle grimpait jusque sur la terrasse, tendait ses cordes, les soutenait à l’aide de perches de mûrier, redescendait brasser des nuages de mousse. "
 

 

chez le coiffeur

Le 05/01/2011

 
"Si Abderrahman choisit un rasoir avec un manche d'ébène, le passa, le rapassa sur une pierre gluante d'huile, l'essuya avec soin, l'essaya sur son ongle avant d'entreprendre de me raser la tête.Il commença au sommet du crâne, m'obligea à baisser le nez jusqu'aux genoux, racla à petits coups le duvet de ma nuque.Il revint ensuite aux côtés, fit le tour de la mèche qui pendait sur mon oreille droite.Le rasoir me brûlait un peu.Je ne disais rien.Je n'écoutais même plus la conversation.Je finis par m'endormir.Ma tête s'en alla de travers et la lame me mordit légèrement.Je me réveillai en sursaut.Le coiffeur discutait toujours.Des gouttes de sueur me couvraient mon front, dégoulinaient le long de mon nez.Il s'arrêta enfin, épousseta mon visage et mon cou à l'aide d'une serviette et me démaillota.Je me sentis léger, comme saigné à blanc.J'eus mal au coeur.Je cherchai les yeux de mon père.Il s'aperçut de mon malaise, se mit debout, se porta à mon secours."(PP.137-138)
 

 

...au fond de la rue le bain maure...

Le 05/01/2011

 
"Je connaissais cette rue.Je savais qu'au fond d'un boyau noir et humide, s'ouvrait une porte basse d'où s'échappait, toute la journée, un brouhaha continu de voix de femmes et de pleurs d'enfants.La première fois que j'avais entendu ce bruit, j'avais éclaté en sanglots parce que j'avais reconnu les voix de l'Enfer telles que mon père les évoqua un soir." (P.8)
 

 

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