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«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra vous secourir? Que les croyants mettent donc leur confiance en leur Seigneur!» (Al-i'Imran – 160)

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La structure du roman de Sefrioui

Le 28/10/2009

  Une première lecture rapide du roman d'Ahmed Sefrioui nous donne une idée globale de son organisation romanesque.En effet, sa structure est simple : douze "séquences"(=chapitres) numérotées mais non intitulées:

 

 

- I ( de la page 3 à la page 19) :               Dar Chouafa

 

 

- II ( de la page 20 à la page 39) :            Au sanctuaire de Sidi  Ali Boughalab

 

 

- III ( de la page 40 à la page 55) :            La disparition de Zineb

 

 

- IV ( de la page 56 à la page 77) :            Dans la maison de Lalla Aicha

 

 

- V ( de la page 78 à la page 98) :            La mort de Sidi Med Ben Tahar

 

 

- VI ( de la page 99 à la page 120) :         La fête de la Achoura

 

 

- VII ( de la page 121 à la page 150) :      Chez le coiffeur

 

 

- VIII ( de la page 151 à la page 172) :      Les bracelets soleil et lune

 

 

- IX ( de la page 173 à la page 198) :        les ennuis pécuniaires

 

 

- X ( de la page 199 à la page 221) :         Chez Sidi El Arafi

 

 

- XI ( de la page 222 à la page 239) :        Salama, la marieuse professionnelle

 

 

- XII ( de la page 240 à la page 249) :       Le retour du père
 

 

résumé des chapitres de la "Boîte à Merveilles"

Le 25/10/2009

 

Remarque préliminaire : le résumé détaillé de chaque chapitre n'est proposé que pour vous aider à mieux comprendre l'oeuvre au programme.Ceci ne vous dispense pas de la lecture du roman d'Ahmed Sefrioui.Vous pouvez ne pas trop apprécier le contenu fourni; c'est à vous de proposer une lecture personnelle de la "Boîte".

                               L'hiver
Chapitre I

               Dar Chouafa
    Deux éléments déclenchent le récit : la nuit et la solitude. Le poids de la solitude. Le narrateur y songe et part à la recherche de ses origines : l'enfance.Un enfant de six ans, qui se distingue des autres enfants qu'il côtoie. Il est fragile, solitaire, rêveur, fasciné par les mondes invisibles. A travers les souvenirs de l'adulte et le regard de l'enfant, le lecteur découvre la maison habitée par ses parents et ses nombreux locataires. La visite commence par le rez-de-chaussée habité par une voyante. La maison porte son nom : Dar Chouafa. On fait connaissance avec ses clientes, on assiste à un rituel de musique Gnawa, et on passe au premier où Rahma, sa fille Zineb et son mari Aouad, fabricant de charrues disposaient d'une seule pièce. Le deuxième étage est partagé avec Fatma Bziouya. L'enfant lui habite un univers de fable et de mystère, nourri par les récits de Abdellah l'épicier et les discours de son père sur l'au-delà. L'enfant de six ans accompagne sa mère au bain maure. Il s'ennuie au milieu des femmes, Cet espace de vapeur, de rumeurs, et d'agitation était pour lui bel et bien l'Enfer. Le chapitre se termine sur une sur une querelle spectaculaire dont les acteurs sont la maman de l'enfant et sa voisine Rahma.
Chapitre II
              Au sanctuaire de Sidi Ali Boughalab
    Au Msid, école coranique, l'enfant découvre l'hostilité du monde et la fragilité de son petit corps. Le regard du Fqih et les coups de sa baguette de cognassier étaient source de cauchemars et de souffrance. A son retour, il trouve sa mère souffrante. La visite que Lalla Aicha, une ancienne voisine, rend ce mardi à Lalla Zoubida, la mère de l'enfant, nous permet de les accompagner au sanctuaire de Sidi Boughaleb. L'enfant pourra boire de l'eau de sanctuaire et retrouvera sa gaieté et sa force. L'enfant découvre l'univers du mausolée et ses rituels. Oraisons, prières et invocations peuplaient la Zaouia. Le lendemain, le train train quotidien reprenait. Le père était le premier à se lever. Il partait tôt à son travail et ne revenait que tard le soir. Les courses du ménage étaient assurées par son commis Driss. La famille depuis un temps ne connaissait plus les difficultés des autres ménages et jouissait d'un certain confort que les autres jalousaient.(rahma donna a sidi.m un cabuchonde verre)
Chapitre III
                La disparition de Zineb
    Zineb, la fille de Rahma est perdue. Une occasion pour lalla Zoubida de se réconcilier avec sa voisine. Tout le voisinage partage le chagrin de Rahma. On finit par retrouver la fillette et c'est une occasion à fêter. On organise un grand repas auquel on convie=inviter une confrérie de mendiants aveugles. Toutes les voisines participent à la tâche. Dar Chouafa ne retrouve sa quiétude=tranquillite et son rythme que le soir.
Le printemps
Chapitre IV
                Dans la maison de Lalla Aicha
    Les premiers jours du printemps sont là. Le narrateur et sa maman rendent visite à Lalla Aicha. Ils passent toute la journée chez cette ancienne voisine. Une journée de potins pour les deux femmes et de jeux avec les enfants du voisinage pour le narrateur. Le soir, Lalla Zoubida fait part à son mari des ennuis du mari da Lalla Aîcha, Moulay Larbi avec son ouvrier et associé Abdelkader. Ce dernier avait renié ses dettes et même plus avait prétendu avoir versé la moitié du capital de l'affaire. Les juges s'étaient prononcés en faveur de Abdelkader. L'enfant, lui était ailleurs, dans son propre univers, quand ce n'est pas sa boîte et ses objets magiques, c'est le légendaire Abdellah l'épicier et ses histoires. Personnage qu'il connaît à travers les récits rapportés par son père. Récits qui excitèrent son imagination et l'obsédèrent durant toute son enfance
Chapitre V
                 La mort de Sidi Mohamed Ben Tahar.
    Journée au Msid. Le Fqih parle aux enfants de la Achoura. Ils ont quinze jours pour préparer la fête du nouvel an. Ils ont congé pour le reste de la journée. Lalla Aîcha , en femme dévouée, se dépouille de ses bijoux et de son mobilier pour venir au secours de son mari. Sidi Mohamed Ben Tahar, le coiffeur, un voisin est mort. On le pleure et on assiste à ses obsèques. Ses funérailles marquent la vie du voisinage et compte parmi les événements ayant marqué la vie d de l'enfant.
Chapitre VI
                 La fête de la Achoura.
    Les préparatifs de la fête vont bon train au Msid. Les enfants constituent des équipes. Les murs sont blanchis à la chaux et le sol frotté à grande eau. L'enfant accompagne sa mère à la Kissaria. La fête approchait et il fallait songer à ses habits pour l'occasion. Il portera un gilet, une chemise et des babouches neuves. De retour à la maison, Rahma insiste pour voir les achats fait à la Kissaria.Le narrateur est fasciné par son récit des mésaventures de Si Othman, un voisin âgé, époux de Lalla Khadija, plus jeune que lui.
Chapitre VII
                  Chez le coiffeur.
   La fête est pour bientôt. Encore deux jours. Les femmes de la maison ont toutes acheté des tambourins de toutes formes. L'enfant lui a droit à une trompette. L'essai des instruments couvre l'espace d'un bourdonnement sourd. Au Msid, ce sont les dernières touches avant l e grand jour. Les enfants finissent de préparer les lustres. Le lendemain , l'enfant accompagne son père en ville. Ils font le tour des marchands de jouets et ne manqueront pas de passer chez le coiffeur. Chose peu appréciée par l'enfant. Il est là à assister à une saignée et à s'ennuyer des récits du barbier. La rue après est plus belle, plus enchantée. Ce soir là, la maison baigne dans l'atmosphère des derniers préparatifs.
     Le jour de la fête, on se réveille tôt, Trois heures du matin. L'enfant est habillé et accompagne son père au Msid célébrer ce jour exceptionnel. Récitation du coran, chants de cantiques et invocations avant d'aller rejoindre ses parents qui l'attendaient pour le petit déjeuner. Son père l'emmène en ville.
    A la fin du repas de midi, Lalla Aicha est là. Les deux femmes passent le reste de la journée à papoter et le soir, quand Lalla Aicha repart chez elle, l'enfant lassé de son tambour et de sa trompette est content de retrouver ses vieux vêtements.
                                             L'été.
Chapitre VIII

                   Les bracelets soleil et lune.
     L'ambiance de la fête est loin maintenant et la vie retrouve sa monotonie et sa grisaille. Les premiers jours de chaleur sont là. L'école coranique quitte la salle du Msid, trop étroite et trop chaude pour s'installer dans un sanctuaire proche. L'enfant se porte bien et sa mémoire fait des miracles. Son maître est satisfait de ses progrès et son père est gonflé d'orgueil. Lalla Zoubida aura enfin les bracelets qu'elle désirait tant. Mais la visite au souk aux bijoux se termine dans un drame. La mère qui rêvait tant de ses bracelets que son mari lui offre, ne songe plus qu'a s'en débarrasser. Ils sont de mauvais augure et causeraient la ruine de la famille. Les ennuis de Lalla Aicha ne sont pas encore finis. Son mari vient de l'abandonner. Il a pris une seconde épouse, la fille de Si Abderahmen, le coiffeur.
     Si l'enfant se consacre avec assiduité à ses leçons, il rêve toujours autant. Il s'abandonne dans son univers à lui, il est homme, prince ou roi, il fait des découvertes et il en veut à mort aux adultes de ne pas le comprendre. Sa santé fragile lui joue des tours. Alors que Lalla Aîcha racontait ses malheurs, il eut de violents maux de tête et fut secoué par la fièvre. Sa mère en fut bouleversée.
Chapitre IX
                 Les ennuis pécuniaires.
     L'état de santé de l'enfant empire. Lalla Zoubida s'occupe de lui nuit et jour. D'autres ennuis l'attendent. Les affaires de son mari vont très mal. Il quitte sa petite famille pour un mois. Il part aux moissons et compte économiser de quoi relancer son atelier. L'attente, la souffrance et la maladie sont au menu de tous les jours et marquent le quotidien de la maison. Lalla Zoubida et Lalla Aicha, deux amies frappées par le malheur, décident de consulter un voyant, Sidi Al Arafi.
Chapitre X
                  Chez Sidi Al Arafi.
     Les conseils , prières et bénédictions de Sidi Al Arafi rassurèrent les deux femmes. L'enfant est fasciné par le voyant aveugle. Lalla Zoubida garde l'enfant à la maison. Ainsi, elle se sent moins seule et sa présence lui fait oublier ses malheurs. Chaque semaine, ils vont prier sous la coupole d'un saint. Les prédications de Sidi A Arafi se réalisent. Un messager venant de la compagne apporte provisions, argent et bonne nouvelles de Sidi Abdesalam. Lalla Aicha invite Lalla Zoubida. Elle lui réserve une surprise. Il semble que son mari reprend le chemin de la maison.
ChapitreXI
                  Salama, la marieuse professionnelle.
      Thé et papotage de bonnes femmes au menu chez Lalla Aicha. Salama, la marieuse, est là. Elle demande pardon aux deux amies pour le mal qu'elle leur a fait. Elle avait arrangé le mariage de Moulay Larbi. Elle explique que ce dernier voulait avoir des enfants. Elle apporte de bonnes nouvelles. Plus rien ne va entre Moulay Larbi et sa jeune épouse et le divorce est pour bientôt. Zhor, une voisine, vient prendre part à la conversation. Elle rapporte une scène de ménage. Les femmes la fille du coiffeur, épouse de Moualy Larbi , de sa famille.le flot des potins et des médisances. N'en fint pas et l'enfant lui , qui ne comprenait pas le sens de tous les mots est entraîné par la seule musique des syllabes.
Chapitre XII
                   Le retour du père.
     La grande nouvelle est rapportée par Zineb. Maâlem Abdslem est de retour. Toute la maison est agitée. Des you you éclatent sur la terrasse Les voisines font des vœux. L'enfant et sa mère sont heureux . Driss, est arrivé à temps annoncer que le divorce entre Moulay Larbi et la fille du coiffeur a été prononcé. La conversation de Driss El Aouad et de Moulay Abdeslem, ponctuée de verres de thé écrase l'enfant. Il est pris de fatigue mais ne veut point dormir. Il se sent triste et seul. Il tire sa boite à merveille de dessous son lit, les figures de ses rêves l'y attendaient. Fin.

 

 

 

 

 

La solitude de Sidi Mohammed, le personnage-narrateur

Le 28/10/2009

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Le chapitre premier de la Boîte à Merveilles s’attarde longuement sur le thème de la solitude de Sidi Mohammed en sa qualité de narrateur .Le mot revient souvent surtout au début de l’œuvre :  

 

 

- ‘’Je songe à ma solitude’’ (page 3) ;  

 

 

-‘’Ma solitude ne date pas d’hier’’ (page3) ;  

 

 

-‘’A six ans, j’étais seul, peut-être malheureux, mais je n’avais aucun point de repère qui me permît d’appeler mon existence : solitude ou malheur’’ (page 6)  

 

 

- ‘’Je n’étais ni heureux, ni malheureux. J’étais un enfant seul’’ (page6)  

 

 

-‘’ En attendant, j’étais seul au milieu d’un grouillement de têtes rasées, de nez humides…’’ .  

 

 

     Il est vrai que Sidi Mohammed le narrateur est un enfant seul au sens large du terme et cette solitude l’a profondément marquée.  

 

 

    Mais sa solitude ne s’arrête pas au chapitre premier, au contraire, elle s’étale pour couvrir tout le roman :  

 

 

-‘’Je sentis ma solitude devenir lourde à m’étouffer’’ (page 50)  

 

 

-‘’Hélas ! Déjà, j’étais voué à la solitude’’ (page 65)  

 

 

     Sidi Mohammed est un enfant unique : il est le premier de sa famille et qui plus est un mâle, né dans une famille où la mère est omniprésente : une mère grincheuse, difficile de caractère et de tempérament changeant. D’un côté, le fils ne quitte jamais le pan du haïk de sa mère auquel il est constamment agrippé et de l’autre, chaque fois que Lalla Zoubida souffre d’un manque matériel ou affectif, elle vide sa bile sur son fils qu’elle traite des noms les plus abjects et les plus dégradants :’’tête de mule’’ ; âne à face de goudron’’ ; chien galeux’’ ;’’ juif sans dignité’’ (page 104). Sont-ce là des marques de tendresse et d’affection d’une mère pour son enfant unique ?  

 

 

    Il est seul à Dar Chouafa où il n’y a aucun enfant de son âge en dehors de Zineb, une fille qu’il méprise et avec qui il ne peut combler le creux de son existence de jeune garçon de 6 ans. Quand il lui arrive de parler de Zineb, c’est en négatif :  

 

 

’’ Elle s’appelait Zineb et je ne l’aimais pas ‘’ (page5)  

 

 

‘’ Cela m’est égal qu’on ne retrouve pas Zineb, je pleure parce que j’ai faim !’’(page47  

 

 

‘’ Une fille aussi bête que Zineb ne peut rien trouver d’amusant dans sa pauvre cervelle’’ (page71)  

 

 

Leurs jeux, ils ne sont pas nombreux, il faut l’avouer, se terminent presque toujours par des bagarres.  

 

 

‘’Nous avions réussi à avoir du thé que nous avions transvasé dans une théière de fer-blanc, jouet de Zineb et pour finir nous nous étions battus’’ (page 54).  

 

 

Il la tient responsable de ses malheurs qu’il lui fait payer :’’ Je lui enfonçai les ongles dans les joues, lui arrachai les cheveux par touffes, lui envoyai de formidables coups de pied dans le ventre.’’ (page97)  

 

 

L’univers est strictement adulte et à dominante féminine. Au bain maure, dans une atmosphère d’indécence et de nudité féminines, il s’écrie’’ je me sentais plus seul que jamais’’ (page 10).  

 

 

    Il se sent seul au msid parmi les apprentis fkihs qui s’acharnent sur leurs planchettes et ne remarquent même pas sa présence. De son côté il ne les aime pas parce que leurs mondes sont différents : lui, il aime le rêve, eux la réalité. :‘’Nous habitions des univers différents. J’avais un penchant pour le rêve. […….] Je désirais que l’invisible m’admît à participer à ses mystères. Mes petits camarades de l’école se contentaient du visible.’’ (page6)  

 

 

     Le jugement qu’il porte sur eux par le biais d’une figure de style très dévalorisante, à la fois plaisante et suggestive, est très significatif’’ En attendant [d’avoir dix ans] j’étais seul au milieu de têtes rasées, de nez humides’’  

 

 

Il est seul tout au long de l’oeuvre : il n’y a pas un seul garçon de son âge avec qui il peut évoluer, limer sa personnalité sur celle des garçons de son âge pour la développer au moyen des activités ludiques mâles. Les rares fois où il a l’occasion de jouer c’est avec des filles et à des jeux féminins ; cela se termine souvent très mal. Sa solitude s’accentue encore plus avec le départ de son père pour la campagne, le temps de se faire un capital et de remonter son atelier de tissage fermé après la perte de son capital. Sa mère le trimbale de maison en mausolée, et du mausolée chez le voyant. Il lui arrivait même de le laisser seul, ce qui contribue à creuser encore plus sa solitude déjà profonde :’’ Après déjeuner, ma mère me recommanda d’être bien sage, prit son haïk et partir rendre visite à Lalla Aïcha son amie. [….] Je me souviens encore des heures affreuses passées à l’attendre.’’(page188)  

 

 

    Le narrateur retient de cette tranche de son enfance un sentiment de solitude, d’abandon et d’oubli. Il en est marqué pour le restant de sa vie :’’ Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s’y gravaient en images ineffaçables. Il ma reste cet album pour égayer ma solitude, pour me prouver à moi-même que je ne suis pas encore mort.’’(page 6)

 

 

 

 

 

 

 

le pacte autobiographique

Le 29/10/2009

 

                                      

 La relation qu'un auteur établit avec le lecteur dans une autobiographie est originale et particulière : on parle d'un « pacte autobiographique » qui lie l'auteur et le lecteur.L'écrivain autobiographe s'engage notamment à dire la vérité sur lui-même.

 Explication

      Beaucoup d'autobiographies mettent en scène, souvent au début, un « pacte autobiographique » où l'auteur établit en quelque sorte le contrat de lecture qu'il veut nouer avec le lecteur. Il y expose ses intentions ( raconter sa vie intégralement ou partiellement, tout dire ou ne pas tout dire...)( et/ou il y justifie son projet :faire comprendre qui il est, rétablir la vérité sur lui-même, servir d'exemple pour autrui ...)et/ou il s'y engage à dire la vérité, ou fait part de sa conception de la vérité autobiographique(et/ou il fait part de ses difficultés ( la fragilité des souvenirs, le risque d'enjoliver le passé, les pièges de l'amour-propre ...)( et/ou il indique ce qu'il attend du lecteur ( un lecteur qui ne juge pas, ou qui fasse preuve de compréhension, ou qui soit complice, ou même qui joue au voyeur...)

         Ecrire un pacte  autobiographique (quel qu’en soit le contenu), c’est d’abord poser sa voix, choisir le ton, le registre dans lequel on va parler, définir son lecteur, les relations qu’on entend avoir avec lui.

         Dans le pacte autobiographique, comme d'ailleurs dans n'importe quel « contrat de lecture », il y a une simple proposition, qui n'engage que son auteur : le lecteur reste libre de lire ou non, et surtout de lire comme il veut. Cela est vrai. Mais s'il lit, il devra prendre en compte cette proposition, même si c'est pour la négliger ou la contester. Il est entré dans un champ magnétique, avec des lignes de force qui orienteront sa réaction. Quand vous lisez une autobiographie, vous n'êtes pas débrayé, comme dans le cas d'un contrat de fiction, ou d'une lecture simplement documentaire, mais embrayé : quelqu'un demande à être aimé, et à être jugé, et c'est à vous de le faire. D'autre part, en s'engageant à dire la vérité sur lui-même, l'auteur vous impose de penser à l'hypothèse d'une réciprocité : seriez-vous prêt à faire la même chose ? Et cette simple idée dérange. A la différence d'autres contrats de lecture, le pacte autobiographique est contagieux. Il comporte toujours un fantôme de réciprocité, virus qui va mettre en alerte toutes vos défenses. Relisez la fin du préambule publié des Confessions. « Que chacun découvre à son tour son coeur avec la même sincérité... ». Ce qu'on n'a jamais pardonné à Rousseau, ce n'est pas la folie de croire qu'il est seul, unique et différent des autres hommes, c'est la sagesse qu'il a eue de conseiller à chacun de balayer d'abord devant sa porte... »

 

 

 

 Exemples de pactes :

 

 

 

 

 

 

 

 

Montaigne – un pacte classique (Essais)

 

  C’est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t’avertit, dès l’entrée, que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n’y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis: à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus entière et plus vive, la connaissance qu’ils ont eue de moi. Si c’eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice: car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l’a permis. Que si j’eusse été entre ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre: ce n’est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc. 

 

 Rousseau – un pacte  dramatisé (préambule des Confessions)

  Intus et in cute

  Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.

Moi seul. Je sens mon coeur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu.

  Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son coeur aux pieds de ton trône avec la même sincérité; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là. 

 

 Chateaubriand – un pacte  classique (lettre de 1803 citée dans les Mémoires, partie II, livre XV, chap.7)

     Mon seul bonheur est d’attraper quelques heures, pendant lesquelles je m’occupe d’un ouvrage qui peut seul apporter de l’adoucissement à mes peines : ce sont les Mémoires de ma vie [...] Soyez tranquille; ce ne seront point des confessions pénibles pour mes amis : si je suis quelque chose dans l’avenir, mes amis y auront un nom aussi beau que respectable. Je n’entretiendrai pas non plus la postérité du détail de mes faiblesses; je ne dirai de moi que ce qui est convenable à ma dignité d’homme et, j’ose le dire, à l’élévation de mon cœur. Il ne faut présenter au monde que ce qui est beau ; ce n’est pas mentir à Dieu que de ne découvrir de sa vie que ce qui peut porter nos pareils à des sentiments nobles et généreux. Ce n’est pas, qu’au fond, j’aie rien à cacher ; je n’ai ni fait chasser une servante pour un ruban volé, ni abandonné mon ami mourant dans une rue, ni déshonoré la femme qui m’a recueilli, ni mis mes bâtards aux Enfants-trouvés; mais j’ai eu mes faiblesses, mes abattements de cœur ; un gémissement sur moi suffira pour faire comprendre au monde ces misères communes, faites pour être laissées derrière le voile. Que gagnerait la société à la reproduction de ces plaies que l’on retrouve partout ? On ne manque pas d’exemples, quand on veut triompher de la pauvre nature humaine. 

 

 

 

Stendhal – un pacte  distant (Vie de Henri Brulard)

 

  Enfin je ne suis descendu du Janicule que lorsque la légère brume du soir est venue m’avertir que bientôt je serais saisi par le froid subit et fort désagréable et malsain qui en ce pays suit immédiatement le coucher du soleil. Je me suis hâté de rentrer au Palazzo Conti (Piazza Minerva), j’étais harassé. J’étais en pantalon de … blanc anglais, j’ai écrit sur la ceinture en dedans : 16 octobre 1832, je vais avoir la cinquantaine, ainsi abrégé pour n’être pas compris: J. vaisa voirla5.

  Le soir en rentrant, assez ennuyé de la soirée de l’ambassadeur, je me suis dit : je devrais écrire ma vie, je saurai, peut-être enfin, quand cela sera fini dans deux ou trois ans, ce que j’ai été, gai ou triste, homme d’esprit ou sot, homme de courage ou peureux, et enfin au total heureux ou malheureux, je pourrai faire lire ce manuscrit à di Fiori.

  Cette idée me sourit. Oui , mais cette effroyable quantité de Je et de Moi ! Il y a de quoi donner de l’humeur au lecteur le plus bénévole. Je et Moi, ce serait, au talent près, comme M. de Chateaubriand, ce roi des égotistes.

  De je mis avec moi tu fais la récidive...

  Je me dis ce vers à chaque fois que je lis une de ses pages.

  On pourrait écrire, il est vrai, en se servant de la troisième personne, il fit, il dit. Oui, mais comment rendre compte des mouvements intérieurs de l’âme ? c’est là-dessus surtout que j’aimerais consulter di Fiori.

  Je ne continue que le 25 novembre 1835. La même idée d’écrire my life m’est venue dernièrement pendant mon voyage de Ravenne ; à vrai dire, je l’ai eue bien des fois depuis 1832, mais toujours j’ai été découragé par cette effroyable difficulté des Je et des Moi, qui fera prendre l’auteur en grippe, je ne me sens pas le talent pour la tourner.

  A vrai dire, je ne suis rien moins que sûr d’avoir quelque talent pour me faire lire. Je trouve quelquefois beaucoup de plaisir à écrire, voilà tout. 

 

Mauriac – un pacte  analytique (Ecrits intimes, 1953)

  J’ai naguère écrit le premier chapitre de mes souvenirs ; il m’a suffi de le relire pour décider de m’en tenir là. Est-ce bien moi cet enfant que je rappelais ainsi à la vie ? Sans doute, quand je m’appliquais à ce travail, n’avais-je pas l’intention de me confesser; du moins étais-je résolu à ne rien dire qui ne fût vrai. Mais pour peu que l’art apparaisse dans ces sortes d’ouvrages, ils deviennent mensonge ; ou plutôt, l’humble et mouvante vérité d’un destin particulier se trouve dépassée, malgré l’auteur, qui atteint, sans l’avoir cherché, à une vérité plus générale.

  Il compose, après coup, ce qui n’était pas composé et ménage la lumière selon l’effet à produire: ainsi des régions immenses de sa vie se trouvent plongées dans les ténèbres et il éclaire ce qui en lui prête à de beaux développements.

  Même un auteur, qui se couvre de boue et qui décèle ses actions les plus tristes, ne doute pas de gagner des cœurs par son audace. On vantera son courage, son humilité. On trouvera mille raisons de l’absoudre sans révéler la véritable : c’est que celui qui confesse tout aide au soulagement de ceux qui n’avouent rien.

  Pour en revenir à ce premier - et dernier - chapitre de mes souvenirs, j’admire avec quelle audace j’y ai mis l’accent sur la solitude et sur la tristesse de mon enfance. Au vrai, j’avais beaucoup d’amis et nul n’a eu plus que moi le goût des palabres sans fin, des confidences, des lettres. Etais-je si désespéré ? Les jours de congé me paraissaient trop courts parce que je voulais à la fois les passer chez mes cousines, dévorer un livre, aller à la foire.

  De tous mes plaisirs, le plus cher me venait de ce cœur mélancolique justement, que dans mes souvenirs je me suis plu à monter en épingle. Je me rappelle mon émerveillement lorsque à seize ans, je découvris dans L’Homme libre, de Barrès, la mirobolante formule : sentir le plus possible en s’analysant le plus possible. Cela me jeta dans des transports. C’était ce que je faisais depuis l’âge de raison. Un enfant jouait à être solitaire et méconnu ; et c’est le plus passionnant des jeux...

  Peut-être parce qu’un instinct l’avertit qu’il y a là beaucoup plus qu’un jeu : une préparation, un exercice pour devenir homme de lettres. Aimer à se regarder souffrir, signe évident de vocation ; mais il faut commencer par souffrir et je me souviens que je faisais flèche de tout bois...

  Attention ! me voilà sur une piste qui, si je l’avais suivie, m’aurait fait découvrir un enfant encore plus étranger à moi-même que celui dont j’ai naguère tenté de reproduire les traits.

Est-ce à dire que les souvenirs d’un auteur nous égarent toujours sur son compte ? Bien loin de là : le tout est de savoir les lire. C’est ce qui y transparaît de lui-même malgré lui qui nous éclaire sur un écrivain. Les véritables visages de Rousseau, de Chateaubriand, de Gide se dessinent peu à peu dans le filigrane de leurs confessions et mémoires.

  Tout ce qu’ils escamotent (même si c’est le bien), tout ce sur quoi ils appuient (même si c’est le mal) nous aide à retrouver les traits qu’ils ont mis, parfois, beaucoup de soin à brouiller.

  Surtout, gardons-nous de croire qu’un auteur retouche ses souvenirs avec l’intention délibérée de nous tromper. Au vrai, il obéit à une nécessité : il faut bien qu’il immobilise, qu’il fixe cette vie passée qui fut mouvante. Tel sentiment, telle passion qu’il éprouva, mais qui furent, dans la réalité, mêlés à beaucoup d’autres, imbriqués dans un ensemble, il faut bien qu’il les isole, qu’il les délimite, qu’il leur impose des contours, sans tenir compte de leur durée, de leur évolution insaisissable. C’est malgré lui qu’il découpe, dans son passé fourmillant, ces figures aussi arbitraires que les constellations dont nous avons peuplé la nuit.

  Il ne faut pas non plus faire grief à un auteur de ce que ses mémoires sont, le plus souvent, une justification de sa vie. Même sans l’avoir voulu au départ, nous finissons toujours par nous justifier ; nous sommes toujours à la barre, dès que nous parlons de nous, même si nous ne savons plus devant qui nous plaidons. Mémoires, confessions, souvenirs témoignent qu’à toute foi religieuse survit, dans la plupart des hommes, cette angoisse du compte à rendre. Tout auteur de mémoires, chacun à sa façon, et fût-ce en s’accusant, prépare sa défense... Devant la postérité ? peut-être ; mais inconsciemment ne cherche-t-il pas à fixer l’aspect qu’aura son âme aux yeux de Celui qui la lui donna et qui peut la lui redemander à chaque instant ? 

 

 

Nourissier – un pacte  pour les proches (Un petit bourgeois, 1963)

 

  Avant de m’aventurer à écrire certaines des pages de ce récit, je me suis imaginé entrant brusquement dans une pièce où, réunis, mes amis, mes ennemis, ma famille et les personnes que j’aime - étrange ménagerie - viendraient précisément de les lire, ces pages, et dans le silence lèveraient les yeux sur moi et me regarderaient. Je dois dire que le résultat de cette petite expérience promettait d’être catastrophique. Les années aidant, nos rapports avec les êtres prennent une opacité, une solidité tout à fait satisfaisantes et qui peuvent faire illusion. Les vérités que nous sommes amenés à formuler éclatent là-dedans et provoquent du dégât : des fissures, des passages de lumière.

  Je puis l’avouer : j’ai systématiquement cherché à fissurer ce bloc massif, mou, sans contours ni saveur. J’ai voulu aiguillonner le boeuf. Le regard qui finit par exister, rassurant, archi-connu comme une ficelle tendue entre nos yeux et les yeux de qui nous aimons (et la ficelle pourrait servir à "étendre" le linge sale, pourquoi pas ?), ce regard a besoin de chavirer un peu. Je sais telle personne dont les yeux, plus jamais, n’auront pour me voir, après ce livre, la même couleur. Vous me direz que vous vous fichez éperdument de cette intéressante affaire de couleur et que la création tout entière pourrait bien me faire de l’œil, ou l’œil noir, ou l’œil narquois, voire de vulgaires clins d’œil, sans que vous souhaitiez être mêlé à ces manèges de famille.

  C’est votre droit. Je ne fais pas le trottoir devant la librairie.

  Mais je crois que le destin général des textes dérive directement de leur destin particulier. La force de persuasion et de dissuasion exercée par un livre dépend d’un but étroit, précis, que l’auteur s’est fixé dans la discrétion de sa conscience. Destiné à rétablir dans leur vérité mes rapports avec des êtres proches, il me semble que ce livre pourrait ébranler d’autres conforts, dire à haute voix d’autres secrets, et finalement éclairer le comportement d’un certain type d’homme devant un certain paysage social. C’est parce que les corps, les mémoires, les rêves et les ruses se ressemblent, que l’effort du roman, dispersé entre le général et le particulier, me semble moins fécond que l’exploration autobiographique. Celle-ci, farouchement attelée au particulier, et au seul particulier que l’honnêteté risque de nous faire jamais connaître, devient ainsi tout à fait utilisable pour le commun des lecteurs. 

 

 

Beauvoir un pacte  pour le lecteur (préface de La Force des Choses, 1963)

 

  J’ai dit pourquoi, après les Mémoires d’une jeune fille rangée, je décidai de poursuivre mon autobiographie. Je m’arrêtai, à bout de souffle, quand je fus arrivée à la libération de Paris ; j’avais besoin de savoir si mon entreprise intéressait. Il parut que oui ; cependant, avant de la reprendre, de nouveau j’hésitai. Des amis, des lecteurs m’aiguillonnaient : « Et alors ? Et après ? Où en êtes-vous maintenant ? Finissez-en : vous nous devez la suite… » Mais, au-dehors comme en moi-même, les objections ne m’ont pas manqué : « C’est trop tôt : vous n’avez pas derrière vous une œuvre assez riche… » Ou bien : « Attendez de pouvoir dire tout : des lacunes, des silences, ça dénature la vérité. » Et aussi : « Vous manquez de recul. » Et encore : « Finalement, vous vous livrez davantage dans vos romans. » Rien de tout cela n’est faux : mais je n’ai pas le choix. L’indifférence, sereine ou désolée, de la décrépitude ne me permettait plus de saisir ce que je souhaite capter : ce moment où, à l’orée d’un passé encore brûlant, le déclin commence. J’ai voulu que dans ce récit mon sang circule ; j’ai voulu m’y jeter, vive encore, et m’y mettre en question avant que toutes les questions se soient éteintes. Peut-être est-il trop tôt; mais demain il sera sûrement trop tard.

  « Votre histoire, on la connaît, m’a-t-on dit aussi, car à partir de 44 elle est devenue publique. » Mais cette publicité n’a été qu’une dimension de ma vie privée et, puisqu’un de mes desseins est de dissiper des malentendus, il me semble utile de raconter celle-ci en vérité. Mêlée beaucoup plus que naguère aux événements politiques, j’en parlerai davantage ; mon récit n’en deviendra pas plus impersonnel ; si la politique est l’art de « prévoir le présent », n’étant pas spécialiste, c’est d’un présent imprévu que je rendrai compte : la manière dont au jour le jour l’histoire s’est donnée à moi est une aventure aussi singulière que mon évolution subjective.

  Dans cette période dont je vais parler, il s’agissait de me réaliser et non plus de me former ; visages, livres, films, des rencontres que j’ai faites, importantes dans leur ensemble, presque aucune ne me fut essentielle : lorsque je les évoque, ce sont souvent les caprices de ma mémoire qui président à mon choix, il n’implique pas nécessairement un jugement de valeur. D’autre part, les expériences que j’ai décrites ailleurs – mes voyages aux U.S.A., en Chine – je ne m’y attarderai pas, alors que je relaterai en détail ma visite au Brésil. Certainement ce livre s’en trouvera déséquilibré: tant pis. De toute façon je ne prétends pas qu’il soit – non plus que le précédent – une œuvre d’art : ce mot me fait penser à une statue qui s’ennuie dans le jardin d’une villa ; c’est un mot de collectionneur, un mot de consommateur et non de créateur. Je ne songerais jamais à dire que Rabelais, Montaigne, Saint-Simon ou Rousseau ont accompli des œuvres d’art et peu m’importe si on refuse à mes mémoires cette étiquette. Non ; pas une œuvre d’art, mais ma vie dans ses élans, ses détresses, ses soubresauts, ma vie qui essaie de se dire et non de servir de prétexte à des élégances.

  Cette fois encore, j’élaguerai le moins possible. Cela m’étonne toujours qu’on reproche à un mémorialiste des longueurs ; s’il m’intéresse, je le suivrai pendant des volumes ; s’il m’ennuie, dix pages, c’est déjà trop. La couleur d’un ciel, le goût d’un fruit, je ne les souligne pas par complaisance à moi-même : racontant la vie de quelqu’un d’autre, je noterais avec la même abondance, si je les connaissais, ces détails qu’on dit triviaux. Non seulement c’est par eux qu’on sent une époque et une personne en chair et en os : mais, par leur non-signifiance, ils sont dans une histoire vraie la touche même de la vérité ; ils n’indiquent rien d’autre qu’eux-mêmes et la seule raison de les relever, c’est qu’ils se trouvaient là : elle suffit.

  Malgré mes réserves qui valent aussi pour ce dernier volume – impossible de dire tout – des censeurs m’ont accusée d’indiscrétion ; ce n’est pas moi qui ai commencé : j’aime mieux fureter moi-même dans mon passé que de laisser ce soin à d’autres.

  On m’a en général reconnu une qualité à laquelle je m’étais attachée : une sincérité aussi éloignée de la vantardise que du masochisme. J’espère l’avoir gardée. Je l’exerce depuis plus de trente ans dans mes conversations avec Sartre, me constatant au jour le jour sans vergogne ni vanité, comme je constate les choses qui m’entourent. Elle m’est naturelle, non par une grâce singulière, mais à cause de la manière dont j’envisage les gens, moi comprise. Notre liberté, notre responsabilité, j’y crois, mais, quelle qu’en soit l’importance, cette dimension de notre existence échappe à toute description ; ce qu’on peut atteindre, c’est seulement notre conditionnement ; je m’apparais à mes propres yeux comme un objet, un résultat, sans qu’interviennent dans cette saisie les notions de mérite ou de faute ; si par hasard, le recul aidant, un acte me semble plus ou moins heureux ou regrettable, il m’importe en tout cas beaucoup plus de le comprendre que de l’apprécier; j’ai plus de plaisir à me dépister qu’à me flatter car mon goût de la vérité l’emporte, de loin, sur le souci que j’ai de ma figure : ce goût lui-même s’explique par mon histoire et je n’en tire aucune gloire. Bref, du fait que je ne porte aucun jugement sur moi, je n’éprouve nulle résistance à tirer au clair ma vie et moi-même ; du moins dans la mesure où je me situe dans mon propre univers : peut-être mon image projetée dans un autre monde – celui des psychanalystes par exemple – pourrait-elle me déconcerter ou me gêner. Mais si c’est moi qui me peins, rien ne m’effraie.

  Il faut évidemment s’entendre sur mon impartialité. Un communiste, un gaulliste raconteraient autrement ces années ; et aussi un manœuvre, un paysan, un colonel, un musicien. Mais mes opinions, convictions, perspectives, intérêts, engagements sont déclarés : ils font partie du témoignage que je porte à partir d’eux. Je suis objective dans la mesure, bien entendu, où mon objectivité m’enveloppe.

  Comme le précédent, ce livre demande au lecteur sa collaboration : je présente, en ordre, chaque moment de mon évolution et il faut avoir la patience de ne pas arrêter les comptes avant la fin. On n’a pas le droit par exemple, comme l’a fait un critique, de conclure que Sartre aime Guido Reni, parce qu’il l’aima à dix-neuf ans. En fait, seule la malveillance dicte ces étourderies et contre elle je n’entends pas me prémunir : au contraire, ce livre a tout ce qu’il faut pour la susciter et je serais déçue s’il ne déplaisait pas. Je serais déçue aussi s’il ne plaisait à personne et c’est pourquoi j’avertis que sa vérité ne s’exprime dans aucune de ses pages mais seulement dans leur totalité.

  On m’a signalé dans La Force de l’âge beaucoup de menues erreurs et deux ou trois sérieuses; malgré tous mes soins, dans ce livre aussi je me serai certainement trompée souvent. Mais je répète que jamais je n’ai délibérément triché.

 

Sarraute –un  pacte dialogué avec soi (Enfance, 1983)

 

- Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Evoquer tes souvenirs d’enfance »... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux « évoquer tes souvenirs »... il n’y a pas à tortiller. C’est bien ça.

- Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi...

- C’est peut-être... est-ce que ce ne serait pas... on ne s’en rend parfois pas compte... c’est peut-être que tes forces déclinent...

- Non, je ne crois pas... du moins je ne le sens pas...

- Et pourtant ce que tu veux faire... « évoquer tes souvenirs »... est-ce que ce ne serait pas...

- Oh, je t’en prie...

- Si, il faut se le demander : est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal...

- Oui, comme tu dis, tant bien que mal...

- Peut-être, mais c’est le seul où tu aies jamais pu vivre... celui...

- Oh, à quoi bon ? je le connais.

- Est-ce vrai ? Tu n’as vraiment pas oublié comment c’était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s’échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu’est-ce que c’est ? ça ne ressemble à rien... personne n’en parle... ça se dérobe, tu l’agrippes comme tu peux, tu le pousses... où ? n’importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... Tiens, rien que d’y penser...

- Oui, ça te rend grandiloquent. Je dirai même outrecuidant. Je me demande si ce n’est pas toujours cette même crainte... Souviens-toi comme elle revient chaque fois que quelque chose d’encore informe se propose... Ce qui nous est resté des anciennes tentatives nous paraît toujours avoir l’avantage sur ce qui tremblote quelque part dans les limbes...

- Mais justement, ce que je crains, cette fois, c’est que ça ne tremble pas... pas assez... que ce soit fixé une fois pour toutes, du « tout cuit » donné d’avance...

- Rassure-toi pour ce qui est d’être donné... c’est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune parole ne l’ont encore touché. Il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d’encore vivant... je voudrais, avant qu’ils disparaissent... laisse-moi...

                                                         

Marie Bashkirtseff

 

     « A quoi bon mentir et poser ? Oui, il est évident que j'ai le désir, sinon l'espoir, de rester sur cette terre, par quelque moyen que ce soit. Si je ne meurs pas jeune, j'espère rester comme une grande artiste ; mais si je meurs jeune, je veux laisser publier mon journal qui ne peut pas être autre chose qu'intéressant. - Mais puisque je parle de publicité, cette idée qu'on me lira a peut-être gâté, c'est-à-dire anéanti, le seul mérite d'un tel livre ? Eh bien ! non. - D'abord j'ai écrit très longtemps sans songer à être lue, et ensuite c'est justement parce que j'espère être lue que je suis absolument sincère. Si ce livre n'est pas l'exacte, l'absolue, la stricte vérité, il n'a pas raison d'être. Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n'ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou désavantageux pour moi.  - Du reste, je me crois trop admirable pour me censurer. - Vous pouvez donc être certains, charitables lecteurs, que je m'étale dans ces pages  tout entière. Moi comme intérêt, c'est peut-être mince pour vous, mais ne pensez pas que c'est moi, pensez que c'est un être humain qui vous raconte toutes ses impressions depuis l'enfance. C'est très intéressant comme document humain. Demandez à M. Zola et même à M. de Goncourt, et même à Maupassant ! Mon journal commence à douze ans et ne signifie quelque chose qu'à quinze ou seize ans. Donc il y a une lacune à remplir et je vais faire une espèce de préface qui permettra de comprendre ce monument littéraire et humain »   

 

André Gide – ( projet de Préface à Si le grain ne meurt, 1924)

 

   J'estime que mieux vaut encore être haï pour ce que l'on est, qu'aimé pour ce que l'on n'est pas. Ce dont j'ai le plus souffert durant ma vie, je crois bien que c'est le mensonge. Libre à certains de me blâmer si je n'ai pas su m'y complaire et en profiter. Certainement j'y eusse trouvé de confortables avantages. Je n'en veux point.

C'est parce qu'il se croyait unique que Rousseau dit avoir écrit ses confessions. J'écris les miennes pour des raisons exactement contraires, et parce que je sais que grand est le nombre de ceux qui s'y reconnaîtront. »

 

Nina Berberova – (C'est moi qui souligne 1989)

    Ceci n'est pas un livre de souvenirs. C'est l'histoire de ma vie, une tentative pour la retracer dans l'ordre chronologique et pour en déchiffrer le sens. J'ai aimé la vie et je l'aime toujours, mais le sens que je lui trouve m'importe autant qu'elle-même. Je parle de moi telle que je fus et telle que je suis, et pour parler du passé j'emploie mon langage d'aujourd'hui. Il m'est arrivé, à divers moments de ma vie, d'esquisser mes souvenirs, mais lorsque je parlais de moi, je ne me sentais pas tout à fait à l'aise, un peu comme si je voulais imposer à mon lecteur un personnage importun. Ici, je vais parler surtout de moi, de mon enfance, de ma jeunesse, de mes années de maturité, de mes relations avec autrui. Ma pensée vit à la fois dans le passé comme mémoire et dans le présent comme conscience de soi aux prises avec le temps. Quant au futur, il n'y en aura pas forcément un, ou peut-être sera-t-il bref et anodin.

 

 

 

Dans mon esprit, l'histoire de ma longue vie a un début, un milieu et une fin. Au cours de mon récit, je ferai clairement apparaître le sens que je lui ai trouvé, celui probablement de toute une vie, ainsi que le chemin qui m'y a conduite. Je parlerai de la découverte et de la libération de soi, de la maturité qui nous per-met d'y accéder et de la solitude dans la fourmilière plus attirante et plus féconde à mes yeux que celle dans le nid familial.

 

Nathalie Sarraute – (Enfance 1983 Folio)

      Alors, tu vas vraiment faire ça ? « Évoquer tes souvenirs d'enfance»... Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux «évoquer tes souvenirs»... il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.

 

 

 

- Oui, je n'y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi...

- C'est peut-être... est-ce que ce ne serait pas... on ne s'en rend parfois pas compte... c'est peut-être que tes forces déclinent...

- Non, je ne crois pas... du moins je ne le sens pas...

- Et pourtant ce que tu veux faire... «évoquer tes souvenirs»... est-ce que ce ne serait pas...

- Oh, je t'en prie...

- Si, il faut se le demander., est-ce que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu'ici, tant bien que mal ...

-Oui, comme tu dis, tant bien que mal ...

- Peut-être, mais c'est le seul où tu aies jamais pu vivre... celui...

- Oh, à quoi bon ? je le connais.

- Est-ce vrai ? Tu n'as vraiment pas oublié comment c'était là-bas ? comme là-bas tout fluctue, se transforme, s'échappe... tu avances à tâtons, toujours cherchant, te tendant... vers quoi ? qu'est-ce que c'est ? ça ne ressemble à rien... personne n'en parle... ça se dérobe, tu l'agrippes comme tu peux, tu le pousses... où ? n'importe où, pourvu que ça trouve un milieu propice où ça se développe, où ça parvienne peut-être à vivre... (...)

 

          D'autres auteurs parcourent le chemin inverse et remplacent le "je" par le pro-nom personnel "il" ( la "non-personne" comme disent les linguistes) pour ne pas tomber dans l' " égotisme", l'un des piliers de l'écriture personnelle.Roland Barthes, par exemple, contrairement aux  auteurs cités plus haut,préfère l'impersonnalité, refusant du coup le"je" qui implique le "tu"de l'adresse lyrique et le "nous" de la complicité pour laisser se dessiner la figure sans nom du lecteur aussi anonyme que l'auteur.Voici ce qu'il écrivait en exergue de  Roland Barthes par lui-même (Seuil, Écrivains de toujours, 1975) :

         "Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman"...

une façon très "romanesque" et très belle pour faire un clin d'oeil au  lecteur averti !

        

 

 

 

 

 

 

      

 

 

 

 

un lien pour approfondir votre étude de la" Boîte à Merveilles"

Le 01/11/2009

 

 

ce site peut vous aider à étudier le roman de sefrioui. Vous y trouverez des extraits tirés de l'oeuvre accompagnés de questions de compréhension ( et cerise sur le gâteau, le corrigé)

http://www.studentsoftheworld.info/sites/ecoles/merveilles.php?Page=4

 

                                                                 bon courage!

 

 

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