hicham-berhil
la plèbe
Le 23/01/2011
ISMENE __ Il est plus fort que nous, Antigone. Il est le roi. Et ils pensent tous comme lui dans la ville. Ils sont des milliers et des milliers autour de nous, grouillant dans toutes les rues de Thèbes. ANTIGONE __ Je ne t'écoute pas. ISMENE __ Ils nous hueront. Ils nous prendront avec leurs mille bars, leurs mille visages et leur unique regard. Ils nous cracheront à la figure. Et il faudra avancer dans leur haine sur la charrette avec leur odeur et leurs rires jusqu'au supplice. Et là, il y aura les gardes avec leurs têtes d'imbéciles, congestionnés sur leurs cols raides, leurs grosses mains lavées, leur regard de boeuf -qu'on sent qu'on pourra toujours crier, essayer de leur faire comprendre, qu'ils vont comme des nègres et qu'ils feront tout ce qu'on leur a dit scrupuleusement, sans savoir si c'est bien ou mal... Et souffrir ? Il faudra souffrir, sentir que la douleur monte, qu'elle est arrivée au point où l'on ne peut plus la supporter ; qu'il faudrait qu'elle s'arrête, mais qu'elle continue pourtant et monte encore, comme une voix aiguë... Oh ! je ne peux pas, je ne peux pas... (PP.26-27)
La réplique dans laquelle Ismène imagine ce que les « autres » pourraient lui infliger – et qui s’apparente au récit d’un cauchemar aux images obsessionnelles – est instructive à bien des égards.
Les autres, c’est la foule, le peuple que la jeune fille imagine assistant avec plaisir (« les rires ») à son exécution. Les qualificatifs qui décrivent cette masse humaine (les huées, les rires, l’odeur, les mille bras et visages…) sont très concrets et culminent dans une vision terrifiante : « Ils nous cracheront à la figure. Et il faudra avancer dans leur haine sur la charrette. » (P.27) Le mot « charrette », qui fait référence à l’époque de la Révolution, montre que la jeune princesse sent toujours une menace dans la plèbe.
Cette plèbe, c’est d’abord les « petits voyous » (P.30) mais ce sont surtout les gardes. Le mépris d’Ismène à leur égard transparaît dans l’évocation de leurs « têtes d’imbéciles » et de leur comportement de « nègres ». Son dégoût aristocratique se révèle ici avec une violence manifeste. C’est une opposition de classe et même de race qui sépare Ismène, et séparera plus tard Antigone, de cette humanité basse et vile ; les gardes, parangon de la populace, « sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. » (P.12)
Créon, lui aussi, qualifie ses sujets péjorativement. En effet, il taxe le messager de « crasseux » (P.69) et les Thébains de « brutes » qui sont « faussement émus » durant les funérailles d’Etéocle en compagnie des prêtres avec la « tête de circonstance ».
La vision que Créon a du peuple est une vision très noire : des êtres sans intelligence et dangereux. Et ce n’est pas gratuit si la foule est « hurlante » tout au long de la pièce et veut envahir le palais : nous entendons ses cris dans les coulisses. La hantise exprimée par Ismène au début semble se réaliser. Il s’agit en effet d’une masse anonyme et indistincte ; bestiale, elle émet des sons dont on ignore la signification ; elle se définit par sa haine et sa puissance aveugles (elle cherche à enfoncer des portes), et par son indiscipline, puisqu’elle n’obéit que devant une démonstration de force du pouvoir. Les «visages » dont parle Antigone font ainsi écho aux « mille visages » et au « seul regard » redoutés par Ismène.
Mais contrairement à sa sœur aînée, Antigone n’a pas peur de la mort ; elle a tout bonnement une « allergie physique » à la plèbe. D’abord, elle parle de « sales mains » (P.55) quand les gardes la poussent. Ensuite, elle demande à Créon de faire éloigner la foule : « Créon, je en veux plus voir leurs visages, je ne veux plus entendre leurs cris, je en veux plus voir personne ! Tu as ma mort maintenant, c’est assez. Fais que je ne voie plus personne jusqu’à ce que soit fini. » (P.106) Et enfin, préfère rayer tout ce qu’elle a avoué à son fiancé dans la lettre car « c’est comme s’ils devaient (la) voir nue et (la) toucher quand (elle) sera morte. » (P.116)
Hémon, comme les autres membres de la famille royale, donne son avis sur le peuple ; pour lui : « la foule n’est rien. »
Eurydice est le seul personnage dans la famille que l’ « humain (ne) gêne pas aux entournures. » pour reprendre cette image de Créon lorsqu’il s’adresse à sa nièce à la page 68. C’est une bonne femme qui passe ses journées à tricoter pour les pauvres de Thèbes pour qu’ils n’aient pas froid en hiver. (...)
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