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«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra

«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra vous secourir? Que les croyants mettent donc leur confiance en leur Seigneur!» (Al-i'Imran – 160)

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Eurydice

Le 21/01/2011

 
LE PROLOGUE __ (...)La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c'est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu'à ce que son tour vienne de se lever et de mourir.(P.11)CREON __ Une bonne femme parlant toujours de son jardin, de ses confitures, de ses tricots, de ses éternels tricots pour les pauvres. C'est drôle comme les pauvres ont éternellement besoin de tricots. On dirait qu'ils n'ont besoin que de tricots...LE CHOEUR __ Les pauvres de Thèbes auront froid, cet hiver, Créon. En apprenant la mort de son fils, la reine a posé ses aiguilles, sagement, après avoir terminé son rang, posément, comme tout ce qu'elle fait, un peu plus tranquillement peut-être que d'habitude. Et puis elle est passée dans sa chambre, sa chambre à l'odeur de lavande, aux petits napperons brodés et aux cadres de peluche, pour s'y couper la gorge, Créon. Elle est étendue maintenant sur un des petits lits jumeaux démodés, à la même place où tu l'as vue jeune fille un soir, et avec le même sourire, à peine un peu plus triste. Et s'il n'y avait pas cette large tache rouge sur les linges autour de son cou, on pourrait croire qu'elle dort. (P.120)
 

 

Une pièce de fous

Le 26/02/2010

 

 

 

 

      Le terme « Folie » relève de la  terminologie philosophique et médicale .C’est un nom féminin qui veut dire :
1 - dérèglement mental, démence
exemple : Ahmed a eu un accès de folie/ Fatima sombre dans la folie

 

 

 

2 - manque de jugement, inconscience
exemple : C'est une folie de vouloir démissionner

 

 

 

3 - idée, parole, action déraisonnable
exemple : vous n'allez pas prendre votre moto par ce temps, c'est de la folie

 

 

 

4 - dépense excessive
exemple : Très chère, vous avez fait des folies

 

 

 

5 - Engouement, passion, manie.
exemple : Mon oncle a la folie des bateaux

 

 

 

6 - Excessivement, éperdument
exemple : J'aime mon chien à la folie

 

 

 

    En architecture, on donne ce nom à une maison avec un style extravagant, on lui ajoute le nom de son concepteur. (exemple : Folie Méricourt)
    En psychiatrie, c'est un vieux terme qui désignait les désordres de l'esprit, les actes déraisonnables, passionnés, excessifs. Il n'est plus employé depuis le XXème siècle. Il est par contre encore largement employé dans le langage populaire dans le sens de trouble mental puis par extension à toutes les définitions trouvées ci-dessus.

 

 

 

       Etymologiquement, 'fou' ou 'folle' vient du latin follis qui signifie «outre-sac » ou «ballon plein d'air ». Ce mot à l'origine signifiait plutôt une personne sotte.

 

 

 

         Au moyen âge on ne parlait pas d'hôpital psychiatrique mais de maison de fous.  Au XVIème, il y a eu un glissement de cette signification au sens de fou. Dans certains types de folies, il y a une certaine perte des limites. Dans le sens psychiatrique, fou signifie une personne atteinte de troubles et de désordres mentaux, un aliéné ou un démon. Dans le langage courant, il y a plusieurs sens. Par exemple, on parle 'd'histoire de fou', c'est à dire quelque chose d'absurde. Au moyen âge, le fou était le bouffon du roi. Le sens de s'amuser, 'faire le fou', 'plus on est de fous plus on rit'. Le sens de passionné et de grands, 'on est fou de joie'. Le sens d'amoureux, 'il est fou d'elle'. Le rapport entre la folie et l'amour est un aspect que l'on appelle économique, la folie nait d'un agrandissement économique de la fête, sorte d'excès. Au sens de dangereux, emballé ou de sauvage, 'une entreprise folle'. A partir du XIXème, la psychopathologie a représenté le versant théorique à la psychiatrie qui elle-même est une branche de la médecine qui a pour objet l'étude et le traitement des maladies mentales. Aujourd'hui, un des modèles les plus importants de la psychopathologie est la psychopathologie analytique. Psyché veut dire âme et pathos signifie souffrance ou passion. De ce terme de pathos, il y a eu deux dérivations, une strictement médicale, une autre dans une rhétorique qui sert à émouvoir l'auditeur. Dans le langage courant, pathos signifie faire du pathétique.

 

 

 

   Quand on cherche un peu du côté de la déraison, on y retrouve la définition suivante : manque de raison.

 

 

 

                                Folie = déraison.

 

 

 

On a donc l'équation suivante : la folie est contraire à la raison.

 

 

 

   Quand on perd la raison, on tombe dans la folie, on devient fou mais aussi on "dit n'importe quoi".

 

 

 

 

 

 

      Personne ne semble avoir un « esprit normal » dans cette famille de fous qui est la Maison de Laïos. La folie provient littéralement de l’inceste et donc de la malédiction des dieux qui ont maudit toute la descendance d’Œdipe.

 

 

 

      En effet, le thème de la folie est l’un des ressorts de la pièce ; il occupe presque toutes les pages de la tragédie de Jean Anouilh : de la scène de la Nourrice à la scène finale.

 

 

 

      Les répliques suivantes corroborent cette thèse ; le mot revient dans la bouche des personnages comme un leitmotiv ; presque tous ont cette "fièvre" et notamment le personnage éponyme : 

 

 

 

 

 

 

-         LA NOURRICE __ Fais la folle ! Fais la folle ! Je la connais, la chanson. (p.16)

 

 

 

-          LA NOURRICE __ Toutes les deux alors !...Toutes les deux vous allez devenir folles et vous lever avant les servantes ? (p.21)

 

 

 

-          ISMENE __ J'ai bien pensé toute la nuit. Tu es folle.

 

 

 

      ANTIGONE __ Oui. (p.23)

 

 

 

-         ISMENE __ Tu es folle. (p.30)

 

 

 

     ANTIGONE, sourit. __ Tu m'as toujours dit que j'étais folle, pour tout,

 

      depuis toujours. (p.30)

 

 

 

-         LA NOURRICE __ La faire tuer, ma mignonne ? Faire tuer ta chienne ?

          Mais tu es folle ce matin ! (p.36)

 

 

 

 

-         ANTIGONE __ Jure-moi d'abord que tu sortiras sans rien me dire.

 

      Sans   même me regarder. Si tu m'aimes, jure-le moi.(Elle le

 

      regarde avec son pauvre visage bouleversé.) Tu vois comme je te le

 

      demande, jure-le-moi, s'il te plaît, Hémon... C'est la dernière folie

          que tu auras à me passer. (p.43)

 

 

 

 

-         ANTIGONE __ Voilà. C'est fini pour Hémon, Antigone. (p.44) (ici elle se parle à elle-même !)

 

 

 

-         CREON __ Qui a osé ? Qui a été assez fou pour braver ma loi ? As-tu

 

           relevé des traces ? (p.50)

 

 

 

-         LE GARDE __ C'est qu'elle voulait me sauter aux yeux ! Elle criait qu'il fallait qu'elle finisse... C'est une folle, oui ! (p.57)

 

 

 

-         LE GARDE __ Et quand je l'ai empoignée, elle se débattait comme une diablesse, elle voulait continuer encore, elle me criait de la laisser, que le  corps n'était pas encore tout à fait recouvert. (p.62)

 

 

 

-         CREON __ Si tu te tais maintenant, si tu renonces à cette folie, j'ai une

 

 

 

           chance de te sauver. (p.71)

 

 

 

-         CREON, lui serre le bras. __(…) Où veux-tu en venir, petite furie ? (p.75)

 

 

 

-         CREON, hausse les épaules. __ Tu es folle, tais-toi. (p.92)

 

 

 

-         ANTIGONE __ Si, je sais ce que je dis, mais c'est vous qui ne m'entendez plus. Je vous parle de trop loin maintenant, d'un royaume où vous ne pouvez plus entrer avec vos rides, votre sagesse, votre ventre. (Elle rit.) Ah! je ris, Créon, je ris (…) (p.94)

 

 

 

-         LE CHOEUR __ Tu es fou, Créon. Qu'as-tu fait ? (p.99)

 

 

 

-         HEMON __ Tu es fou, père. Lâche-moi. (p.100)

 

 

 

-         CREON, le tient plus fort. __ J'ai tout essayé pour la sauver, Hémon. J'ai tout essayé, je te le jure. Elle ne t'aime pas. Elle aurait pu vivre. Elle a préféré sa folie et la mort. (p.101)

 

 

 

-         LE CHOEUR, s'approche. __ Est-ce qu'on ne peut pas imaginer quelque chose, dire qu'elle est folle, l'enfermer? (p.101)

 

 

 

-         LE CHOEUR, va à Créon. __ Créon, il est sorti comme un fou. (p.105)

 

 

 

-         LE MESSAGER __(…) Tous regardent Créon, et lui, qui a deviné le premier, lui qui sait déjà avant tous les autres, hurle soudain comme un fou. (p.118)

 

 

 

-         CREON __ Une bonne femme parlant toujours de son jardin, de ses confitures, de ses tricots, de ses éternels tricots pour les pauvres. (p.120)

 

 

 

-         CREON __ Tu es fou, petit. Il faudrait ne jamais devenir grand. (p.122)

 

 

 

-         LE CHOEUR __ (…) C'est fini. Antigone est calmée, maintenant, nous ne saurons jamais de quelle fièvre. (p.123)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

        

 

 

 

 

 

 

Antigone et Hémon

Le 20/03/2010

 

                                     L’amour à mort  

 

 

      

                                          CREON __ Tu aimes Hémon ?

 

 

                                            ANTIGONE __ Oui, j'aime Hémon. J'aime un Hémon dur

 

 

                                                   et jeune ; un Hémon exigeant et fidèle, comme moi. (p.93)    

 

 

 

 

 

        Antigone est une tragédie amoureuse à l’instar de l’impérissable Roméo et Juliette. Cependant, on ne sait pas ici comment l’histoire, qui donne beaucoup de vitalité et de fraîcheur à la pièce entre les deux jeunes, a commencé :

 

 

            LE PROLOGUE : un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit «oui » avec un petit sourire triste...

 

 

      Hémon, le prince héritier, est dans un état d’énamoration dont on ignore l’origine surtout que la petite « maigre et noiraude » est loin d’être « belle » comme sa sœur. Mais on peut facilement déceler l’irrésistible charme ensorcelant qui se cache derrière la laideur de la fille.

 

 

   La petite fille d’Œdipe, quant à elle, est amoureuse à en « mourir » de son cousin même si elle sait d’avance ce qui va lui arriver. Ce n’est pas un amour ordinaire qu’elle apporte à son fiancé mais une passion fatale qui l’entraînera, sans qu’il ne se rende compte, à son autodestruction :

 

 

LE PROLOGUE : (…) il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.

 

 

    Si la princesse refuse de se marier avec Hémon, son « trèsor », ce n’est pas par manque de sentiments mais par refus de pérenniser la malédiction et la colère des dieux aux générations suivantes ; en effet, seule sa mort peut mettre un terme à la pollution qui risque d’être transmise à l’enfant qu’elle aurait pu avoir avec lui.

 

Et ce qui est remarquable, c’est qu’elle n’avoue l’immensité de son amour que dans l’instant où elle est sûre de mourir et donc de ne plus lui appartenir.

 

 

   Avant d’être jetée dans les cavernes de Hadès, elle cherche une autre fois à le lui avouer mais cette fois-ci dans une lettre :

 

 

         ANTIGONE __«Mon chéri, j'ai voulu mourir et tu ne vas peut-être plus m’aimer (...) Pardon, mon chéri. Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles. Je t'aime... »

 

 

  Le récit du Messager et la réplique de Créon, à la fin de la pièce, font des deux amoureux deux grandes figures du Romantisme. Leur mort est absolutisée :

 

 

        LE MESSAGER __ Antigone est au fond de la tombe pendue aux fils de sa ceinture, des fils bleus, des fils verts, des fils rouges qui lui font comme un collier d'enfant, et Hémon à genoux qui la tient dans ses bras et gémit, le visage enfoui dans sa robe(…)Hémon regarde ce vieil homme tremblant à l'autre bout de la caverne, et, sans rien dire, il se plonge l'épée dans le ventre et il s'étend contre Antigone, l'embrassant dans une immense flaque rouge.

 

 

           

 

 

        CREON, entre avec son page. __Je les ai fait coucher l'un près de l'autre, enfin ! Ils sont lavés, maintenant, reposés. Ils sont seulement un peu pâles, mais si calmes. Deux amants au lendemain de la première nuit.

 

 

     Acte suprême où les amants ne font qu’un : à travers la mort apparaît l’harmonie. Le sommeil des amoureux que suggère le thème final du sommeil renvoie aux rites nuptiaux et aux rites du mariage.

 

 

 

 

    Le couple de Hémon et Antigone incarne le mythe de l’amour impossible. Pour autant, c’est bien la mort qui occupe le devant de la scène. Les lamentations amoureuses d’Antigone sont merveilleuses de ce point de vue et s’affirment avec éclat :

 

 

      ANTIGONE __ O tombeau ! O lit nuptial ! O ma demeure souterraine ! ...

 

 

   Toute la pièce est hantée par la mort. Effectivement, dès le prologue, il est question de l’issue fatale des deux amants.

 

 

   La mort revêt tantôt des aspects négatifs, tantôt des aspects positifs.

 

 

   Les diverses évocations de la mort donne une dimension philosophique de la pièce en soulignant la fragilité de la relation amoureuse entre des jeunes qui sont restés des enfants et qui voient le monde avec des yeux pleins d’innocence.

 

 

    Dans un article précédent, j’ai essayé de montrer, quoique rapidement, que la fille d’Oedipe n’a qu’un seul « amoureux »-son frère Polynice- et qu’elle se sacrifie pour lui.

 

 

   Mais d'une manière générale, le présent travail est une interrogation sur la relation amoureuse dans la pièce au programme. Il est question ici d’une relation légale entre deux fiancés sur le point de se marier :

 

 

   LE PROLOGUE : il lui a demandé d'être sa femme.

 

 

   LA NOURRICE __ Et tu verras ce qu'il dira quand il apprendra que

 

 

              tu te lèves la nuit. Et Hémon ? Et ton fiancé? Car elle est fiancée !

 

 

   ISMENE __ Ton bonheur est là devant toi et tu n'as qu'à le prendre.

 

 

              Tu es fiancée, tu es jeune, tu es belle...

 

 

   CREON __  Grossis un peu, plutôt, pour faire un gros garçon à

 

 

              Hémon. Thèbes en a besoin plus que de ta mort, je te l'assure.    

 

 

   CREON __ Marie-toi vite, Antigone (…)

 

 

et c’est pour cette raison-là que nous devons partager leur passion ( dans le double sens du terme : souffrance et amour)...

 

 

 

 

La mort des amants

Le 21/01/2011

 
LE MESSAGER __ Une terrible nouvelle. On venait de jeter Antigone dans son trou. On n'avait pas encore fini de rouler les derniers blocs de pierre lorsque Créon et tous ceux qui l'entourent entendent des plaintes qui sortent soudain du tombeau. Chacun se tait et écoute, car ce n'est pas la voix d'Antigone. C'est une plainte nouvelle qui sort des profondeurs du trou... Tous regardent Créon, et lui, qui a deviné le premier, lui qui sait déjà avant tous les autres, hurle soudain comme un fou : «Enlevez les pierres ! Enlevez les pierres ! »Les esclaves se jettent sur les blocs entassés et, parmi eux, le roi suant, dont les mains saignent. Les pierres bougent enfin et le plus mince se glisse dans l'ouverture. Antigone est au fond de la tombe pendue aux fils de sa ceinture, des fils bleus, des fils verts, des fils rouges qui lui font comme un collier d'enfant, et Hémon à genoux qui la tient dans ses bras et gémit, le visage enfoui dans sa robe. On bouge un bloc encore et Créon peut enfin descendre. On voit ses cheveux blancs dans l'ombre, au fond du trou. Il essaie de relever Hémon, il le supplie. Hémon ne l'entend pas. Puis soudain il se dresse, les yeux noirs, et il n'a jamais tant ressemblé au petit garçon d'autrefois, il regarde son père sans rien dire, une minute, et, tout à coup, il lui crache au visage, et tire son épée. Créon a bondi hors de portée. Alors Hémon le regarde avec ses yeux d'enfant, lourds de mépris, et Créon ne peut pas éviter ce regard comme la lame. Hémon regarde ce vieil homme tremblant à l'autre bout de la caverne, et, sans rien dire, il se plonge l'épée dans le ventre et il s'étend contre Antigone, l'embrassant dans une immense flaque rouge. CREON, entre avec son page. __ Je les ai fait coucher l'un près de l'autre, enfin ! Ils sont lavés, maintenant, reposés. Ils sont seulement un peu pâles, mais si calmes. Deux amants au lendemain de la première nuit. Ils ont fini, eux. (PP.118-119)
 

 

la métaphore filée de Créon

Le 21/01/2011

 
CREON, la secoue soudain, hors de lui. __ Mais, bon Dieu ! Essaie de comprendre une minute, toi aussi, petite idiote ! J'ai bien essayé de te comprendre, moi. Il faut pourtant qu'il y en ait qui disent oui. Il faut pourtant qu'il y en ait qui mènent la barque. Cela prend l'eau de toutes parts, c'est plein de crimes, de bêtise, de misère... Et le gouvernail est là qui ballotte. L'équipage ne veut plus rien faire, il ne pense qu'à piller la cale et les officiers sont déjà en train de se construire un petit radeau confortable, rien que pour eux, avec toute la provision d'eau douce, pour tirer au moins leurs os de là. Et le mât craque, et le vent siffle, et les voiles vont se déchirer, et toutes ces brutes vont crever toutes ensemble, parce qu'elles ne pensent qu'à leur peau, à leur précieuse peau et à leurs petites affaires. Crois-tu, alors, qu'on a le temps de faire le raffiné, de savoir s'il faut dire « oui » ou «non », de se demander s'il ne faudra pas payer trop cher un jour, et si on pourra encore être un homme après ? On prend le bout de bois, on redresse devant la montagne d'eau, on gueule un ordre et on tire dans le tas, sur le premier qui s'avance.Dans le tas ! Cela n'a pas de nom. C'est comme la vague qui vient de s'abattre sur le pont devant vous ; le vent qui vous gifle, et la chose qui tombe devant le groupe n'a pas de nom. C'était peut-être celui qui t'avait donné du feu en souriant la veille. Il n'a plus de nom. Et toi non plus tu n'as plus de nom, cramponné à la barre. Il n'y a plus que le bateau qui ait un nom et la tempête. Est-ce que tu le comprends, cela ? (PP.81-82)
 

 

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