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«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra

«Si Dieu vient à votre secours, nul ne pourra vous vaincre , et s'Il vous abandonne, qui donc, en dehors de Lui, pourra vous secourir? Que les croyants mettent donc leur confiance en leur Seigneur!» (Al-i'Imran – 160)

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le personnage de Créon

Le 10/02/2010

 

 

 

    Créon, « bourreau » d’Antigone, a mauvaise réputation. Il gagne pourtant à être connu, car c’est un homme d’Etat efficace, consciencieux, digne de l’estime des honnêtes gens. Si la princesse est impulsive, tourmentée par les sentiments inavoués, le roi au contraire se montre plein de bon sens, d’équilibre et de fermeté. Antigone refuse la vie, Créon l’accepte, non par lâcheté, mais parce qu’il trouve admirable. Il essaye de convaincre sa nièce en lui faisant contempler l’ordre éternel de la nature :

   «Tu imagines un monde où les arbres aussi auraient dit non

 

contre la sève, où les bêtes auraient dit non contre

 

l'instinct de la chasse ou de l'amour ? Les bêtes, elles au

 

moins, elle sont bonnes et simples et dures. Elles vont, se

 

poussant les unes après les autres, courageusement, sur le

 

même chemin. Et si elles tombent, les autres passent et il

 

peut s'en perdre autant que l'on veut, il en restera toujours

 

une de chaque espèce prête à refaire des petits et à

 

reprendre le même chemin avec le même courage, toute

 

pareille à celles qui sont passées avant.»

     Créon estime que la conservation de l’espèce est plus importante que le bonheur des individus. La destinée de l’espèce est plus grandiose, tandis que le rôle des individus est médiocre, éphémère, comme la place qu’ils occupent dans le temps et dans l’espace. L’individu doit donc se contenter de joies à sa mesure, c’est-à-dire infimes. Le bonheur, d’après Créon, c’«est un livre qu’on aime, c’est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu’on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison ».

     Sa philosophie politique part du même principe que sa morale personnelle ; comme l’espèce, la Nation doit être maintenue, aux dépens des simples particuliers s’il le faut. Créon a une très haute opinion de son métier de roi. Avant de monter sur le trône, il se conduisait en prince dilettante, aimant la «musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes ». Mais après les catastrophes qui se sont abattues sur la Cité , il «a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches», et il a pris la place que la disparition d’Œdipe laissait vacante. Quelquefois, le soir, il connaît des moments de lassitude, et il se demande s’«il n’est pas vain de conduire les hommes » ; mais le matin il reprend sa tâche avec une ardeur nouvelle. Il dirige le navire d’une main ferme, non par goût ou par ambition, mais par devoir et par vocation. Quelqu’un doit tenir la barre, car la tempête fait rage, les hommes d’équipage sont paresseux, les officiers égoistes et incapables. Créon, autocrate convaincu de sa mission, représente l’autorité nécessaire : «J’ai mes deux pieds par terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches et, puisque je suis roi, j’ai résolu(…)de m’employer tout simplement à rendre l’ordre de ce monde un peu moins absurde, si c’est possible ».

   Et pourtant ce philosophe couronné méprise la masse : «Les brutes que je gouverne », voilà comme il désigne ses concitoyens. Il possède l’art de remuer les foules par des sentiments élémentaires ; c’est ainsi qu’il invente la fable d’Etéocle et Polynice, à laquelle il se garde bien de croire. «-Il faut que cela pue le cadavre de Polynice dans toute la ville, pendant un mois-» ; le peuple est traité comme un animal domestique, à qui l’on fait respirer une ordure, par représailles ou par menace. En revanche, Etéocle, héros postiche, aura l’honneur de funérailles nationales, destinées à encourager les citoyens dévoués au gouvernement établi.

    Après la Libération , certains ont accusé Anouilh d’avoir écrit une pièce de tendances fascistes ; n’a-t-il pas fait l’éloge de la dictature, après que les Alliés et la Résistance luttaient pour le rétablissement de la démocratie ? N’a-t-il pas exalté la raison d’Etat la plus sordide, alors que les adversaires des nazis versaient leur sang au nom de nobles principes ? Ce reproche paraît injustifié. Créon ne ressemble ni à Hitler ni à Mussolini ; certes il est un despote, mais en aucune circonstance il n’apparaît comme un fou sanguinaire.

   Parlant et agissant avec pondération, il se montre humain. Pourtant, objectera-t-on, il fait exécuter Antigone. En réalité, il a tout tenté pour sauver sa nièce. Assuré du silence de la police, il demande seulement à la jeune fille de ne pas récidiver. Il lui promet un prompt mariage avec Hémon, il dépense des trésors d’éloquence, il lui livre même des secrets d’Etat pour la réconcilier avec la vie. Car il éprouve à son égard une affection paternelle ; ne lui rappelle-t-il pas qu’il lui a fait cadeau de sa première poupée, il n’y a pas si longtemps ? S’il hésite à sévir, c’est aussi parce qu’il est un vrai chef de gouvernement, qui frappe quand il le faut, mais pas plus qu’il ne faut. Pour que son règne soit long et pacifique, il évite de faire couler le sang et les larmes ; Cependant, après une lutte désespérée, il se résouts à livrer Antigone à la mort ; la sentence était fatale pour deux raisons. D’abord, la jeune fille a crié ce qu’elle a fait, Thèbes l’a entendue, les lois de la Cité doivent être appliquées dans toute leur rigueur, ou elles cessent d’exister. Ensuite, quoi que fît le roi, sa nièce avait décidé de mourir. Créon s’est du reste aperçu de la vanité de ses efforts :

     

         «Aucun de nous n'était assez fort pour la décider à vivre. Je le comprends,

 

maintenant, Antigone était faite pour être morte. Elle-même ne le savait peut-être pas, mais Polynice n'était qu'un prétexte. Quand elle a dû y renoncer, elle a trouvé autre chose tout de suite. Ce qui importait pour elle, c'était de refuser et de mourir.»

    Créon est le seul qui ait compris Antigone !

Ainsi la pièce au programme est une tragédie moderne, tant par la psychologie des personnages que par les idées politiques qu’elle développe. Créon-puisque c’est lui qui nous intéresse dans cet article- n’est pas un tyran antique, comme Pyrrhus ou Néron, encore moins un monarque de droit divin, ou un dictateur fasciste. C’est un autocrate de notre temps, nous dirions volontiers un technocrate, gérant les affaires de l’Etat comme un grand patron gère une grande usine.

    Comme pièce qui véhicule des idées universelles, Antigone de Jean Anouilh présente Créon comme le parangon de ceux qui acceptent la vie avec toutes ses conséquences…

 

 

 

Le personnage de Hémon dans la pièce de Jean Anouilh

Le 18/03/2010

 

    Le remodelage auquel se livre Jean Anouilh s’opère à de nombreux niveaux. Celui qui m’intéresse, dans cet article, concerne le personnage de Hémon.

 

    Comme nous le savons, les dramaturges classiques dotent leurs jeunes personnages de courage, de ténacité et de virtuosité mentale. L’auteur de notre pièce a un regard froid sur son jeune personnage masculin ; son Hémon est un être moyen en tout, terrifié par la solitude, terrifié d’être complètement adulte. Il supplie le roi de Thèbes de continuer à être son père, son protecteur, celui qui le sauve des cauchemars. Il est dans l’impossibilité de se déprendre de son autorité ; son admiration l’étouffe et c’est là même où réside son « malheur » : il ne voit, ne respire, ne pense que par lui. Il ne veut pas s’émanciper et devenir un homme.

 

   Créon ne peut que constater cette mollesse et c’est pour cela qu’il lui lance ce : «Regarde-moi, c'est cela devenir un homme, voir le  visage de son père en face, un jour.» assez brutal.

 

    En effet, nous ne pouvons parler du jeune prince héritier sans aborder le thème de l’infantilité qui le marque ; quand il se tourne vers son père, à la fin de la pièce, et dans l’horreur de la chambre mortuaire, le messager n’oublie pas de noter qu’ «il n'a jamais tant ressemblé au petit garçon d'autrefois ».

 

   Et s’il perd son plaidoyer en faveur de sa fiancé devant le roi, c’est parce qu’il n’est pas encore prêt pour régner sur Thèbes ; c’est un imbécile ( dans le sens premier du terme : « dont la nature n’est pas adaptée aux affaires du monde »)Pour régner, il faut grandir, autrement dit devenir courageux et voir les choses en face.

 

   Le seul mouvement qui soit permis au fiancé d’Antigone est de fuir ce père à la fois omniprésent et omnipotent après avoir découvert soudainement ce que veut dire passer de l’enfance à la maturité et la souffrance qui accompagne ce passage ; la fin de l’enfance le surprend et c’est ce qui le met dans un état panique : il appelle cela la «nudité».

 

   Ce n’est donc pas étonnant s’il se suicide lui-aussi à la fin de la tragédie.

 

 

 

Antigone et la nature

Le 22/01/2011

 
LA NOURRICE __ D'où viens-tu ? ANTIGONE __ De me promener, nourrice. C'était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C'est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs(...)Le jardin dormait encore. Je l'ai surpris, nourrice. Je l'ai vu sans qu'il s'en doute. C'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes(...)Dans les champs, c'était tout mouillée, et cela attendait. Tout attendait. Je faisais un bruit énorme toute seule sur la route et j'étais gênée parce que je savais bien que ce n'était pas moi qu'on attendait. Alors j'ai enlevé mes sandales et je me suis glissée dans la campagne sans qu'elle s'en aperçoive(...) Je ne me recoucherai pas ce matin(...) Tu crois que si on se levait comme ça tous les matins, ce serait tous les matins aussi beau, nourrice, d'être la première fille dehors ?(...)c'était encore la nuit. Et il n'y avait que moi dans toute la campagne à penser que c'était le matin. C'est merveilleux, nourrice. J'ai cru au jour la première aujourd'hui. (PP.13-15)
 

 

...la Nourrice...

Le 21/01/2011

 
LA NOURRICE __ Où as-tu mal ? ANTIGONE __ Nulle part, nounou. Mais fais-moi tout de même bien chaud comme lorsque j'étais malade... Nounou plus forte que la fièvre, nounou plus forte que le cauchemar, plus forte que l'ombre de l'armoire qui ricane et se transforme d'heure en heure sur le mur, plus forte que les mille insectes du silence qui rongent quelque chose, quelque part dans la nuit, plus forte que la nuit elle-même avec son hululement de folle qu'on n'entend pas ; nounou plus forte que la mort. Donne-moi ta main comme lorsque tu restais à côté de mon lit. (...) LA NOURRICE __ Qu'est-ce que tu as, ma petite colombe ? ANTIGONE __ Rien, nounou. Je suis seulement encore un peu petite pour tout cela. Mais il n'y a que toi qui dois le savoir. LA NOURRICE __ Trop petite pourquoi, ma mésange ? ANTIGONE __ Pour rien, nounou. Et puis, tu es là. Je tiens ta bonne main rugueuse qui sauve de tout, toujours, je le sais bien. Peut-être qu'elle va me sauver encore. Tu es si puissante, nounou. LA NOURRICE __ Qu'est-ce tu veux que je fasse, ma tourterelle ? ANTIGONE __ Rien, nounou. Seulement ta main comme cela sur ma joue. (Elle reste un moment les yeux fermés.) Voilà, je n'ai plus peur. Ni du méchant ogre, ni du marchand de sable, ni de Taoutaou qui passe et emmène les enfants... (PP.32-33)
 

 

la pelle d'Antigone

Le 21/01/2011

 
CREON __ Qui a osé ? Qui a été assez fou pour braver ma loi ? As-tu relevé des traces ? LE GARDE __ Rien, chef. Rien qu'un pas plus léger qu'un passage d'oiseau. Après, en cherchant mieux, le garde Durand a trouvé plus loin une pelle, une petite pelle d'enfant toute vieille, toute rouillée. On a pensé que ça ne pouvait pas être un enfant qui avait fait le coup. Le première classe l'a gardée tout de même pour l'enquête. (P.50) LE GARDE __ On te l'avait prise, ta pelle ? Il a fallu que tu refasses ça avec tes ongles, la deuxième fois ? Ah ! cette audace. (P.57) CREON __ Et cette nuit, la première fois, c'était toi aussi? ANTIGONE __ Oui. C'était moi. Avec une petite pelle de fer qui nous servait à faire des châteaux de sable sur la plage, pendant les vacances. C'était justement la pelle de Polynice. Il avait gravé son nom au couteau sur le manche. C'est pour cela que je l'ai laissée près de lui. Mais ils l'ont prise. Alors la seconde fois, j'ai dû recommencer avec mes mains.(P.63)
 

 

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